Sammartini, P. Castrucci, F. Geminiani : Sonates pour flûte à bec, deux nouvelles parutions

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Giuseppe Sammartini (1695-1750) : Sonate en ut majeur, Sibley no 8. Sonate a flauto solo con il basso en fa majeur, fa mineur, ut majeur, ré mineur, ré majeur, sol mineur Sibley no 18, 16, 26, 20, 17, 14. Andreas Böhlen, flûte à bec. Michael Hell, clavecin. Daniel Rosin, violoncelle. Pietro Prosser, luth. Septembre 2019. Livret en anglais, allemand, français. TT 77’10. SACD Aeolus AE-10336

The Gerdin Manuscript, Uppsala 1758. Pietro Castrucci (1679-1752) : Sonates en fa majeur, ut majeur, ré mineur, sol majeur Op. 1. Francesco Geminiani (1687-1762) : Sonates en ré mineur, sol majeur Op. 1. Frederick Nussen (fl XVIIIe s) : extraits de Musica di Camera Op. 3. Tabea Schwartz, flûte à bec. Thomas Leininger, clavecin. Août 2020. Livret en anglais, allemand. TT 66’13. Pan Classics PC 10431

 « Volume 1 ? Vite, la suite ! » concluions-nous à l’appui du Joker Découvertes accordé le 29 août 2020 ; nous vous renvoyons à cet article pour les repères biographiques et discographiques sur le compositeur italien, un des plus grands hautboïstes de l’ère baroque, dont les quinze dernières années s’accomplirent au service du Prince de Galles. Le livret du présent disque s’enrichit des recherches de Benoit Laurent qui a défendu l’an dernier à l’Université libre de Bruxelles sa thèse sur Giuseppe Sammartini, et qui parmi ses investigations a pu établir que le virtuose émargeait pour la saison 1728-1729 du Théâtre de La Monnaie. 

Après s’être penché sur le manuscrit de la Biblioteca Palatina de Parme dans le premier volume, Andreas Böhlen illustre pour cette seconde livraison des Sonates tirées de la Sibley Music Library de l’Eastman School de Rochester. Il dit espérer que cet enregistrement sera propice à une édition moderne de ces œuvres délaissées, dont la genèse remonte à la période italienne du compositeur avant son départ pour Londres. La flûte à bec y passait de mode au profit de la traversière, expliquant qu’il prit peu de soin à les faire publier. Il fréquenta vraisemblablement des partitions de contemporains comme Roberto Valentine, Benedetto Marcello, Paolo Benedetto Bellinzani, dont bon nombre restent à exhumer. Pour autant, « rien de ce que j’ai vu dans toute œuvre que Sammartini aurait pu connaître ne nous prépare à l’originalité sidérante de ses propres compositions pour flûte à bec et basse continue » estime David Lasocki, l’auteur du livret, qui insiste sur leurs audaces et leur caractère imprévisible. Quitte à ce que la surprise naisse même de l’imperturbable répétition de bariolages arpégés pendant plus d’une minute (plage 3, 0’45-1’52), bientôt reconduits (2’12) avant que ne s’élance le finale à moulinet de cette addictive Sonate en ut majeur.

Les sept entendues dans cet album s’adressent à la flûte alto, ce qui n’empêche pas son soliste de varier les plaisirs en utilisant quatre différents modèles : trois en fa, et un en sol (pour la Sonate en ré majeur). Luxe suprême : le continuo alterne quatre clavecins (deux d’esthétique italienne, et deux à double clavier d’esthétique anversoise ou dresdoise) sur lesquels Michael Hell, aussi vif que précis, assure la projection nécessaire. Professeur à Graz, Zurich, et désormais à la prestigieuse Schola Cantorum de Bâle, Andreas Böhlen est l’avocat que ces pièces pouvaient espérer. Comment ne pas renouveler à cette équipe les félicitations que méritait le premier volume et qui plaident pour un troisième ?

Les sonates pour violon opus 1 de Castrucci et Geminiani datent originellement de 1716 et 1718 mais ne tardèrent pas à être (partiellement) diffusées sous une guise pour flûte : à Londres chez l’éditeur John Walsh & Joseph Hare (c1720), à Amsterdam chez Le Cène (1727). Ces compilations de six sonates jouirent d’une notoriété moins qu’éphémère puisqu’on les retrouve dans ce manuscrit suédois de 1758, désormais conservé à Östersund. La page-titre est signée « George Gerdin » sans qu’on sache si ce gentilhomme en fût le copiste, l’éditeur, l’utilisateur. Sait-on seulement s’il fut musicien professionnel, s’il détenait ces pièces pour son usage, en tant qu’amateur éclairé ?

Le disque introduit chaque sonate, au besoin transposée, par une pièce d’un élève de Geminiani, Frederick Nussen (A Scotch Tune, What shall I do to shew, T’amo tanto, When young at the bar, Can love be controul’d, All in the downs) en lesquelles on appréciera à découvert un magnifique clavecin à deux claviers d’obédience flamande (Ioannes Ruckers). Six sonates (sauf la 4 et la 6) sont aussi précédées d’un prélude au goût de Tabea Schwartz. Professeur de basse continue à la Schola Cantorum de Bâle depuis deux ans, Thomas Leininger nous explique dans le livret sa conception de l’accompagnement dévolu à ces sonates, principalement dérivée du style tardif de Geminiani.

Toutes ne sont pas inconnues du disque si l’on se réfère à l’opus 1 n°10 de Castrucci enregistré par Michael Schneider (Blockflötenmusik des italienischen Hochbarock), et la complète édition de Walsh enregistrée par Pernille Petersen en juin 2010, complétée par deux transcriptions supplémentaires dans les tons originaux. Sur une flûte à bec alto d’Adrian Brown, Tabea Schwartz nous livre un parcours sans faute sur un opulent instrument, mais son jeu entier semble moins nuancé que son partenaire, pourtant incessamment inspiré et inspirant.

Aeolus : Son : 10 – Livret : 9,5 – Répertoire : 9 – Interprétation : 10

Pan Classics : Son : 8 – Livret : 8,5 – Répertoire : 7-8 – Interprétation : 8,5

Christophe Steyne

 

 

 

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