Terra incognita : six quatuors pour cordes et vents de Leemans, délicieusement phrasés

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Hébert Leemans (1741-1771) : six Quatuors Op. 3. Terra Nova Collective. Carlota Garcia, flûte. Dymphna Vandernabeele, hautbois. Gisela Cammaert, violon. Lisa Goldberg, basson. Édouard Catalan, violoncelle. Janvier 2021. Livret en anglais, français, allemand, néerlandais. TT 49’09. Etcetera KTC 1751

Après un double-album de symphonies que nos colonnes commentèrent le 24 janvier dernier, le label Etcetera poursuit la redécouverte de ce cadet d’une famille musicienne de Bruges, établi à Paris. Il perça dans les milieux aristocratiques de la capitale, en tant que pédagogue (chant, violoncelle) et compositeur. Le confortable héritage que le jeune homme légua à sa famille confirme son succès, fauché par une disparition prématurée, en sa trentième année.

En petit comité, l’ensemble Terra Nova Collective se penche ici sur un des trois recueils chambristes, dont la publication s’intercale entre une Sonate en trio de 1767 et un lot de six Quatuors à cordes (1771). Avant d’être adaptés pour archets seuls, ces six Quatuors pour vents et cordes se destinaient initialement à un effectif de violon, violoncelle et basson, complété en part égale par la flûte ou le hautbois qui s’illustrent donc chacun dans trois œuvres. Les interprètes ont retenu cette nomenclature originelle, en alternant les quatuors avec hautbois et ceux avec flûte. Le livret précise que cette disposition pour deux paires de cordes et bois était alors tout sauf courante (seuls Johann Friedrich Fasch et Christian Gottfried Krause sont cités en contre-exemple), du moins les grands compositeurs l’avaient délaissée. 

La structure en deux ou trois brèves parties libère un discours aussi plaisant qu’imaginatif, fort lyrique. Ici un accent, là une tournure inattendue viennent relancer un propos dont l’attrait mélodique fléchit rarement. L’élégance galante n’échappe pas aux cinq musiciens de l’équipe qui sur instruments d’époque brille par sa juste manière, son entrain et sa virtuosité, gainé par le violoncelle fuselé d’Édouard Catalan (le poco presto du second quatuor !). La légèreté et l’exactitude des traits affirment une complexion incessamment remodelée qui s’extrait de tout vain bavardage et brille par son esprit. Souhaiterait-on parfois un relief plus extraverti, un phrasé plus audacieux qui dégageraient de la mignardise ces loquaces partitions ? En tout cas, la délicatesse des souffleurs, la ductilité de Gisela Cammaert contractent un heureux mariage de volubilité et d’intelligence, qui attire sur ces rares opus une attention méritée.

Son : 8,5 – Livret : 7,5 – Répertoire : 8,5 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

 

 

 

 

 

 

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