Pawel Łukaszewski et ses ferventes symphonies sacrées

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Pawel Łukaszewski (°1968) : Symphonie n° 3 « des Anges », pour soprano, chœur mixte et orchestre. Symphonie n° 6 « Chant de la vie éternelle », pour chœur et orchestre. Anna Mikolajczyk-Niewiedzial, soprano ; Chœurs et Orchestre de l’Opéra et de la Philharmonie de Podlachie, direction Miroslaw Jacek Blaszczyk. 2021. Notice en polonais et en anglais. 49.30. Dux 1762.

Fils et frère de compositeur, le Polonais Pawel Łukaszewski, né à Czestochowa (°1968), est aussi chef d’orchestre, directeur artistique de festivals et enseignant. Il est diplômé de l’Académie de musique Chopin de Varsovie, il y a étudié le violoncelle et la composition. Considéré comme un successeur de Henryk Górecki ou de John Tavener, son répertoire s’appuie essentiellement sur des thèmes religieux, dans une tradition néoclassique. Le label Dux a inscrit plusieurs albums de Łukaszewski à son catalogue, comme son Beatus Vir, son Veni Creator, son Stabat mater, des noëls et des motets, ou sa Symphonie n° 2, mais aussi une série de petites pièces profanes.

Créée à Riga en 2012, la Symphonie n° 3, en deux mouvements d’une durée globale d’un peu plus de vingt-cinq minutes, utilise des textes inscrits dans la tradition de l’Eglise catholique romaine ou découlant d’écrits apocryphes, comme l’explique la notice de Renata Borowiecka dont nous nous inspirons. Les anges, leur hiérarchie et leurs fonctions sont décrits sur la base du Livre éthiopien d’Enoch (arrière-grand-père de Noé) et selon les dogmes établis par le quatrième concile du Latran, qui s’est tenu en 1215 à l’initiative du pape Innocent III. La première partie, Visio Enochi, évoque le voyage accompli par le patriarche vers le Paradis, sous la guidance de l’Archange Michel, jusqu’à la vision de l’Eternel. Mystérieuse et intime, la musique se déploie dans une atmosphère hypnotique, voire majestueusement extatique, avec un chœur qui évolue dans un flux mélodique, des timbres relevés par des effets de percussion comme des boules de métal, la harpe ou le célesta, et une volonté contemplative globale. Le second mouvement, Existunt Angeli, accueille la soprano sous la forme d’une prière aux anges, intermédiaires idéaux pour accéder à Dieu. La narration musicale est à la fois paisible et véhémente, enveloppée d’une concentration qui est destinée à découvrir une autre réalité, extrahumaine, qui trouve son apogée dans un Alleluia, avant de retrouver le silence. C’est éthéré et plastiquement beau, avec des chœurs pleins de lumière ; cette Vision aux accents fervents séduira sans doute les amateurs de mysticisme musical. L’interprétation est de qualité, les chœurs et la soprano, Anna Mikolajczyk-Niewiedzial, voix émouvante, sont imprégnés de la part ésotérique qui se dégage de cette partition au caractère spirituel affirmé.

La Symphonie n° 6 de 2020, commande du Centre d’Art Européen de Byalystok -cité proche des frontières biélorusse et lituanienne- est une première absolue, sa création publique n’ayant pas encore eu lieu au moment où cet enregistrement a été effectué. Ce Chant de la vie éternelle est lui aussi basé sur une symbolique chrétienne. D’une durée de vingt-trois minutes, Il est constitué de trois mouvements, la caractéristique du premier et du troisième qui portent tous deux le titre Chronos étant d’exister pendant une poignée de quelques dizaines de secondes et de faire penser à un chaos. Le mouvement central, Kairos, fait référence au développement du temps, considéré ici comme une lente gradation avant une immense progression qui ne cesse de croître grâce à des effets de cuivres et de cloches qui installent un climat emphatique dans une volonté de concentration dynamique, porteuse d’un message religieux, qui rejette le pouvoir diabolique (Vade Retro Satana). Les chœurs vont alors intervenir en couches successives qui ouvrent la perspective d’une louange qui mène elle aussi à un Alleluia.

L’effet est grandiose et invite à une communion sacrée tout au long de l’audition. Ici encore, la dimension spirituelle emporte l’adhésion : comme dans la Symphonie n° 3, le compositeur utilise les ficelles émotionnelles qu’il manie avec dextérité pour que sa création artistique envoûte et subjugue. A cet égard, c’est très réussi. Sous la direction de Miroslaw Jacek Blaszczyk qui a été, à Katowice, l’élève de l’excellent chef polonais Karol Stryja, les chœurs et l’orchestre de l’Opéra et de la Philharmonie de Podlachie, région du nord de la Pologne qui jouxte la Biélorussie, jouent à fond le jeu de l’investissement et de la foi que nécessitent ces deux partitions à portée religieuse. 

Son : 9  Notice : 9  Répertoire : 8  Interprétation : 9

Jean Lacroix

 

        

 

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