La résurrection d'un inestimable trésor
Ludwig van BEETHOVEN
(1770 - 1827)
Intégrale des Sonates pour piano
Eduardo del Pueyo
1976/77-2016-DDD-9 CD-Textes de présentation en français, anglais et espagnol-Pavane Records ADW7073-81
Le 9 novembre 1986, la musique perdait un de ses plus grands défenseurs: Eduardo del Pueyo. Né à Saragosse en 1905, la vie du pianiste aragonais est un exemple d'intégrité, d'humanité, de puissance vitale. Il débute sa formation musicale dans sa ville natale avant de rejoindre le Conservatoire de Madrid où il acquiert un Premier Prix avec félicitations du jury à l'âge de 14 ans. L'année suivante, il gagne Paris. Les concerts l'appellent ; les critiques le complimentent. Mais ce sont les fondements qu'interroge le pianiste. Pendant douze ans, il étudie l'harmonie et la composition. Puis vient le doute. Quant à sa formation technique cette fois. Il rencontre Jeanne Bosch van's Gravemoer, une pianiste hollandaise collaboratrice et disciple de Marie Jaëll, pianiste et compositrice, proche amie de Franz Liszt. L'enseignement de Bosch est basé sur le mouvement conscient, une approche à laquelle ne pouvait qu'adhérer l'artiste en perpétuelle recherche. Il suit cet enseignement pendant quatre ans. Ensuite, durant dix ans, il se retire de la scène, le temps d'une synthèse. En 1935, il s'installe à Bruxelles où Herman Scherchen lui ouvre les portes de la Société Philharmonique qui l'accueillera plus d'une centaine de fois. En 1938, Eduardo del Pueyo y donne sa première intégrale des sonates de Beethoven en une série de huit récitals. Ce monument, il le reproduira dix-sept fois encore dans différentes grandes salles européennes. Il est alors âgé de 33 ans.
Cette intégrale des Sonates de Beethoven avec laquelle il fait corps et esprit, il la donna une dernière fois en 1976 dans la belle salle du Conservatoire de Bruxelles et l'enregistra pour le label Pavane, en 33 tours vinyl alors. On ne peut que se réjouir qu'à l'occasion du 30e anniversaire de la mort du pianiste, le label nous propose une version totalement -et magnifiquement- remastérisée. Le temps n'a aucunement altéré les mots que nous avions eus à l'écoute en 1976 : magistral, unique. Unique, parce que le jeu de del Pueyo allie à la fois la rigueur et l'improvisation, la clarté de jeu et le cantabile, l'assise rythmique et la mouvance. Magistral par cette variété de toucher, cette connaissance intime de la partition où tout moment prend sens, serti dans une imposante architecture. Ecoutez comment les ornements sont interprétés dans leur propre contexte, le récit de "La Tempête" jouée sur le double échappement, la rythmique de son troisième mouvement, les lignes épurées de la "Hammerklavier" dont la partition se déroule sous nos yeux à l'écoute, cette maîtrise des premières mesures de l'opus 111. On pourrait remplir des lignes et des lignes mais rien ne vaudra l'écoute, encore et encore, pour pénétrer l'esprit beethovénien dans ce qu'il a de plus subtil, de plus intime, de plus puissant, de plus secret. Il n'est d'ailleurs pas anodin -et là, soulignons le travail du concepteur de la couverture du livret- que Ludwig van Beethoven et Eduardo del Pueyo... c'est très fort le même physique...
Bernadette Beyne
Son 10 - Livret 8 - Répertoire 10 - Interprétation 10