Un après-midi aux programmes contrastés

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Encore du très beau piano en ce jeudi après-midi à Flagey. L’occasion pour l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie de faire quelques remplacements dans ses rangs dont le premier violon solo, repris par Pascal Schmidt.

Su Yeon Kim
Su Yeon Kim
Aljosa Jurinic
Aljosa Jurinic

C’est la candidate coréenne de 21 ans qui ouvre l’après-midi avec le Concerto en ré mineur n°20. Lors de son récital lundi soir, la candidate avait proposé une très belle lecture des Kreisleriana de Schumann, manquant malgré tout d’un « grain de folie ». Finalement, les caractéristiques évoquées lundi soir reviennent dans Mozart. Le premier mouvement est tout en dentelle mais pose des problèmes de mise en place et de tempo. La candidate se cherche un peu, ne parvient pas toujours à garder le contact avec l’orchestre et met du temps avant de trouver son rythme. Un second mouvement dans une veine poétique où le jeu, charmant, répond avec efficacité à l’orchestre. Une petite ornementation vient ponctuer le discours avec grâce, en somme à l’image de la candidate. Enfin, un « Rondo » final discret, parfois confus avec l’orchestre, assez classique en soi et sans réelle surprise. Peut-être manquait-il à sa prestation un regard plus dramatique, plus affirmé.
Lundi soir, Aljosa Jurinic avait littéralement bluffé le public par son programme non seulement bien choisi mais présenté avec puissance et assurance. Fait rare, il choisit le Concerto n°26 en ré majeur avec les cadences de Max Reger qu’il défend à nouveau avec un sens du discours juste incroyable : un premier mouvement structuré et solide malgré sa complexité ; un second timbré, dosé, élégant et en interaction permanente avec l’orchestre ; un « Allegretto » final sans aucune nervosité et conduit avec finesse et intelligence. Voilà un pianiste qui a quelque chose à dire, qui offre une proposition passionnante et ça plait.

Jun Hwi Cho
Jun Hwi Cho

Après la pause, retour aux récitals avec le candidat coréen Jun Hwi Cho. Lundi, il ne nous avait pas complètement convaincu dans sa lecture du Concerto n°21 et nous attendions donc beaucoup de son récital. Ce qui est évident, c’est l’intelligence de ce candidat. Placer Bach avant Messiaen est une idée brillante, certes classique, mais qui permet de montrer au public une étendue plus large de langages. Et c’est justement Messiaen qui sauve la prestation : abouti, construit, inventif. Clairement, le candidat est à l’aise ici et développe un travail considérable sur l’écoute et la résonnance. Il installe aussi de belles atmosphères et captive l’auditeur. L’œuvre de Fabian Fiorini respire, profite de quelques silences bien placés, mais manque par moment de clarté. Beau travail sur la polyphonie dans la Suite française n°2 de Bach où l’on découvre un pianiste doué de sensibilité et d’intimité avec l’instrument. Après une lecture de Dante ne satisfait pas pleinement. Malgré une très belle technique, le candidat créé parfois des climats, certes intéressants, mais au détriment de la clarté et se perd un peu dans la construction de l’œuvre. Quelques très beaux moments néanmoins -notamment les sections plus apaisées où le timbre colle parfaitement au climat environnant- pour ce très jeune pianiste qui livre, à seulement 20 ans, une prestation honorable.

Leonardo Pierdomenico
Leonardo Pierdomenico

Comme pour le ré mineur de Mozart exécuté admirablement lundi, le pianiste Leonardo Pierdomenico a offert un très beau récital au programme contrastant et contrasté. Bel état d’esprit dans Tears of Lights que le candidat maîtrise avec un grand respect du matériau pianistique. Fait plus que rare, le choix d’une sonate de Scarlatti pour laquelle l’artiste a toujours quelque chose à dire, à exprimer. Un jeu raffiné aux nombreuses couleurs permet au candidat de mener à bien son interprétation, construite et mesurée. Une multitude de couleurs prend place dans la Première Ballade de Chopin avec un matériel thématique conduit à la perfection grâce à un jeu chaud et expressif. Pierdomenico se nourrit de l’harmonie pour apporter à son interprétation un caractère profond et sensible. Avec la Fantaisie en si mineur de Scriabine, c’est l’apothéose. Il n’y a pas grande chose d’autre à ajouter si ce n’est que le pianiste a quelque chose à dire à chaque moment et que son récital d’aujourd’hui promet de belles choses dans le futur.
Ayrton Desimpelaere
Flagey, le 12 mai 2016, séance de 15h00

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