Un éventail de transcriptions  par Zlata Chochieva 

par

(Re)créations. Transcriptions pour piano. Franz Liszt (1811-1886) : Lieder de Schubert et de Mendelssohn. Serge Rachmaninov (1873-1943) : Pages de Bach, Bizet, Mendelssohn, Moussorgski et Tchaïkovsky. Ignaz Friedman (1882-1948) : Pages de Bach, Gärtner, Grazioli et Mahler. Zlata Chochieva, piano. 2020. Notice en allemand, en anglais et en français. 74.38. Accentus ACC 30531.

Née à Moscou (°1985), Zlata Chochieva se produit avec orchestre dès l’âge de huit ans, comme elle le raconte dans un entretien de huit pages avec Karsten Blüthgen reproduit dans la notice : La représentation avait lieu dans le Grand Hall du Conservatoire de Moscou, et j’interprétais le concerto de Mozart KV 453. C’était le plus beau jour de ma vie. J’ai réalisé à ce moment-là à quel point j’aimais être sur scène et faire de la musique. Cette enfant prodige, qui a reçu ses premières leçons de Nina Dolenko, est alors remarquée par Mikhaïl Pletnev dont elle va être l’élève de 2000 à 2003. Ce sera ensuite le perfectionnement au Mozarteum de Salzbourg avec Jacques Rouvier, dont elle devient l’assistante pour quelques années. Titulaire de prix dans une dizaine de concours internationaux, Zlata Chochieva enregistre pour le label Grand Piano trois disques de deux de ses compositeurs de prédilection : Chopin (Etudes) et Rachmaninov (Etudes-Tableaux, Variations sur un thème de Chopin, Sonate n° 1), très bien accueillis par la critique. En 2019, elle s’établit à Berlin, une ville qui l’inspire. C’est dans le studio Blackbird Music de la capitale allemande qu’elle enregistre en septembre 2020 ce programme de transcriptions de Liszt, Rachmaninov et Friedman.

L’idée d’un CD dédié à des œuvres non originales, mais vues et lues à travers le prisme de trois grand pianistes et compositeurs qui furent aussi des transcripteurs, découle de la fascination de Zlata Chochieva pour la voix humaine : Il y a tant à apprendre des vocalises, dit-elle. Le sens du rythme, du phrasé et de la respiration est une expression naturelle de la musique et de la signification du texte poétique. C’est donc tout naturellement que la virtuose a des affinités avec le lyrisme schubertien si harmonieusement traduit au clavier par Liszt. Cinq lieder (Wohin ?, Litanei, Auf dem Wasser zu singen, Die Forelle, Ständchen) attestent de cette attirance pour la fluidité, le jeu chaleureux, l’émotion, la finesse stylistique et l’impulsion imagée. Trois extraits des Sechs Gesänge op. 34, pièces délicates et frémissantes de Mendelssohn revues par Liszt, accompagnent ces Schubert envoûtants. 

Mais c’est par Jean-Sébastien Bach que ce panorama d’une vingtaine de plages débute. Le « bloc » Liszt que nous venons d’évoquer est proposé après une transcription par Rachmaninov de la Partita pour violon n° 3 BWV 1006, puis, par Friedman, d’extraits du Concerto brandebourgeois n° 3, de la Sonate pour flûte BWV 1031 et de la Partita pour violon n° 1 BWV 1002. Volonté d’une certaine logique chronologique ? Peut-être, car l’affiche, à partir de Liszt, est exclusivement romantique. Sous les doigts de Zlata Chochieva, les détails ornementaux sont mis en évidence avec une retenue qui semble être son apanage et avec une sorte de respect déférent que la photographie en noir et blanc sur la couverture du CD met en évidence. Ajouterons-nous le mot « effacement », car la réussite de la pianiste dans ce répertoire se situe avant tout dans la sélection de son remarquable récital qu’elle présente comme un éloge, un hommage aux trois plus grands pianistes de tous les temps : Liszt, Rachmaninov et Friedman. C’est son admiration pour ces trois légendes que l’artiste développe ici. Pour rappel, le Polonais Ignaz Friedman (1882-1948), qui donna des milliers de concerts en soliste et se produisit sur scène à Vienne avec Pablo Casals ou Bronislaw Hubermann, a été notamment un ardent interprète de Chopin. 

Après Liszt, Zlata Chochieva propose encore quatre transcriptions de Rachmaninov : un Scherzo ailé du Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn dans la foulée des Sechs Gesänge, un malicieux Menuet de L’Arlésienne de Bizet, une tendre berceuse de Tchaïkovsky et le Gopak de Moussorgski. Elle offre ainsi une diversité d’approche riche en couleurs et en nuances, avec un toucher toujours chaleureux et sensible. Pour Friedman, le choix va plus loin : un Adagio de Giovanni Battista Grazioli (1746-1820), qui fut un temps organiste de Saint-Marc à Venise, et six Danses viennoises virevoltantes d’Eduard Gärtner (1862-1918), qui fut aussi éditeur. On écoutera aussi avec intérêt le Tempo di Minuetto de la Symphonie n° 3 de Mahler dans la version de Friedman. Il s’agit du deuxième mouvement, moment de grâce auquel la soliste confère une absolue légèreté aérienne.

Ce CD de transcriptions est une belle réussite artistique qui invite à l’intimité et à la connivence. Laissons le dernier mot à Zlata Chochieva : En plus, c’est un genre qui laisse une grande liberté d’expression tout en requérant une connexion spirituelle et intellectuelle profonde avec les deux compositeurs -celui de l’œuvre originale comme celui de la transcription. Connexion assumée et assurée avec brio ! Voilà une pianiste dont il va falloir suivre de près la carrière.

Son : 9  Notice : 9  Répertoire : 8,5  Interprétation : 10

Jean Lacroix  

 

 

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