Un orchestre exceptionnel dans un programme un peu court…

par

Joseph Canteloube (1879-1957), Chants d’Auvergne (extraits) – Pyotr Tchaïkovski (1840-1893), Symphonie n°6 en si mineur « Pathétique »
Brussels Philharmonic, Hervé Niquet (direction), Anne Sofie von Otter (mezzo)
Courte soirée d'une heure et quelques minutes. Débutant directement avec l’invitée, Anne Sofie von Otter, les musiciens ont exécuté une œuvre peu connue du grand répertoire : les Chants d’Auvergne (extraits) de Joseph Canteloube (1879-1957). Dans une écriture folklorique, on se laisse enveloppé par les couleurs orchestrales plaisantes grâce à un agencement judicieux du matériau instrumental. La nature, point central de la culture auvergnate, est bien représentée ici par Canteloube qui n’hésite pas à utiliser certaines sonorités des instruments, principalement les vents, pour caractériser les bruits et sons typiques de la région : récolte, fauchage… Dès le premier chant, un fond sonore s’élève, les bruits d’une forêt. L’agencement des harmonies, très colorées ici, contribue à rapprocher l’auditeur de cette nature. De tendance populaire, Canteloube parvient avec brio à transformer cette musique en élément plus traditionnel, tout en respectant le côté folklorique. Anne Sofie von Otter parvient aisément à entrer dans ce climat. Elle est à l’aise dans ce répertoire qu’elle chante presque par cœur. Les qualités scéniques qui lui sont propres sont toujours passionnantes pour l’œil. Malheureusement, les qualités acoustiques extraordinaires de la Salle Henry le Bœuf pour le domaine symphonique ne contribuent pas au déploiement de la voix de la mezzo. Même si l’orchestre et le chef sont attentifs, elle est souvent couverte, comme lors de tutti avec vents. Avant d’entamer un bis, la mezzo montre sa déception de ne pas voir figurer la traduction du texte dans le programme et explique ce qu’elle va chanter. Après l’entracte, Hervé Niquet (qui a changé sa veste rouge en noir) dirige un très beau premier mouvement de la Symphonie pathétique de Tchaïkovski. Dans ces pages symphoniques redoutables, le Brussels Philharmonic présente d’énormes qualités. Toute la section des cuivres est excellente, principalement les trombones. Les bois sont colorés tandis que les cordes, grâce à un concermeister exceptionnel, jouent d’un seul archet. Le second mouvement est dansant. Dans une mesure à 5 temps, on se laisse surprendre par un jeu expressif des violoncelles, placés à droite ce soir. Belle structure et compréhension du texte pour cette symphonie connue par sa difficulté. Le climat et l’excellence des deux premiers mouvements ne résistent pas au troisième, beaucoup trop rapide, proche d'une démonstration de force. Certes, les musiciens sont remarquables et attestent d’une grande maîtrise de leur instrument, mais le tempo reste Allegro molto vivace (noire = 152, même si c’est le texte musical qui, avant tout, donne le tempo). L’énergie déployée est intéressante mais quelques phrases ou tout simplement quelques accords (comme à la lettre L dans la partition) auraient pu vibrer davantage dans cette musique si expressive. Mais cette chevauchée affiche clairement que l'orchestre est à l'aise dans le répertoire le plus complexe, et cela mérite d’être dit. Le quatrième mouvement débute dans la même agitation mais l’orchestre et le chef parviennent à calmer le jeu et à trouver le caractère lamentoso demandé par Tchaïkovski.
Excellent concert donc pour le Brussels Philharmonic et son chef invité, en forme ce samedi !
Ayrton Desimpelaere
Palais des Beaux-Arts, le 12 octobre 2013

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