Une Cléopâtre traditionnelle et sage

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A Marseille : Cleopâtre de Massenet
Malgré un bel accueil du public, Cléopâtre fut jugée sévèrement à sa création (Monte Carlo, le 23 février 1914). Paris découvrit l’opéra en 1919, au Théâtre Lyrique du Vaudeville, avec Mary Garden dans le rôle-titre. Bel accueil à nouveau, mais l’oeuvre n’est jamais vraiment entrée au répertoire. Massenet en aurait achevé la partition quelques mois avant sa mort (13 août 1912) et on peut se demander comment, si malade, il a pu trouver la force et l’inspiration pour écrire une partition de cette ampleur et de cette qualité. Le livret de Louis Payen lui donnait l’occasion d’employer les moyens hérités du « grand opéra » et de mettre en contrastes la Rome de Marc-Antoine et l’Egypte de Cléopâtre, avec des couleurs orchestrales typiques. On y retrouve des accents de Thaïs et Massenet a réservé sa riche palette orchestrale aux solos de la reine d’Egypte. La grande scène de la mort est impressionnante et noble mais surtout émouvante et elle peut être considérée comme un adieu au «grand opéra».
Béatrice Uria-Monzon y couronne une interprétation digne et attachante. Elle est royale, séduisante, amoureuse et tourmentée. D’entrée, sa voix qui manque de rondeur et de chaleur dans le grave mais gagne rapidement en expressivité. Jean-François Lapointe est un excellent Marc-Antoine : belle allure et chant expressif, voix ronde et nuancée, admirable projection. Octavie trouve en Kimy Mc Laren une interprète attachante et crédible à la voix fraîche. Luca Lombardo s’investit dans le personnage ingrat de Spakos et Antoinette Dennefeld fait une Charmion gracieuse et vocalement suave. Les rôles secondaires sont de bonne tenue, les chœurs de l’Opéra de Marseille et Lawrence Foster sont enthousiastes et expriment bien les couleurs et nuances de la partition.
La mise en scène de Charles Roubaud assisté de Emmanuelle Favre (décors sobres mais suggestifs), Marie-Jeanne Gauthé (vidéos), Katia Duflot (costumes d’époque) et Marc Delamézière (lumières) offre un spectacle traditionnel et sage, respectant livret et musique mais sans grande scène de ballets ni beaucoup d’imagination.
Erna Metdepenninghen
Marseille, Opéra Municipal, le 15 juin 2013

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