Une fort belle Heure lyonnaise

par

Maurice RAVEL
(1872-1934)
L'Heure espagnole (1), Don Quichotte à Dulcinée (2)
Lombardo (Torquemada), I. Druet (Concepcion), F. Antoun (Gonzalve), M. Barrard (Ramiro), N. Courjac (Don Inigo Gomez) (1), Fr. Le Roux (2), Orchestre National de Lyon, dir.: Leonard SLATKIN
2016-DDD-55' 42''-Texte de présentation en anglais et en français-pas de livret-chanté en français-Naxos 8.660337

Après un très correct L'Enfant et les sortilèges, puis un CD consacré aux transcriptions orchestrales, Leonard Slatkin poursuit son intégrale Ravel avec le second opéra du Maître, "comédie musicale en un acte", créé à l'Opéra-comique en 1911. Ressuscitant avec une verve folle l'esprit de l'opéra bouffe, Ravel a écrit une merveille de théâtre qui amuse autant qu'elle divertit en salle. Un enregistrement studio, aussi bien réalisé soit-il, ne procurera jamais la même excitation que pris sur le vif, bien sûr, mais les versions existantes sont toutes excellentes (Ansermet, Cluytens, Maazel, Previn, Jordan) et il est bien difficile de les départager. Dès le prélude si atmosphérique (la musique des horloges qui revient si joliment durant l'air de Ramiro plage 17), Slatkin impose une direction classique, aux tempi modérés, avec un souci de clarté instrumentale très français. Les instruments solistes sont bien mis en valeur, les bois surtout, comme la clarinette ou le basson dans l'air de Concepcion, mais aussi les timbales. Le chant français actuel se porte bien, on le sait. Le chef en a réuni d'excellents éléments dont chacun est à distinguer. Malgré un rôle fort court, l'horloger de Tolède de Luca Lombardo est impeccable et très stylé. Chacun des autres personnages intervient dans des duos et se voit gratifié d'un air à lui tout seul. Le beau muletier musclé de Marc Barrard chante et joue son personnage à la perfection, mais le poète Gonzalve de Frédéric Antoun, aux aigus faciles, en remet un peu ("Adieu cellule, adieu donjon"). Arrivant tard, Nicolas Courjal, pédant à souhait, impose son superbe timbre de basse tout en se révélant facétieux dans "Ma mine imposante et sévère". Quant à Concepcion, Isabelle Druet en est une des meilleures incarnations malgré la concurrence rude (Danco, Duval ou Berbié). Sa voix souple et ample est parfaitement adaptée à ce rôle aussi mutin que fripon : il n'est pas étonnant que son air Oh ! la pitoyable aventure ! figure parmi les purs bijoux de cette nouvelle intégrale. Et quel bonheur d'écouter tous ces merveilleux chanteurs dans le quintette final, "avec un peu d'Espagne autour" !
Hélas, la réussite de ce CD se voit un peu ternie par une fort modeste version de Don Quichotte à Dulcinée. Slatkin fait rutiler son orchestre pour ce dernier chef-d'oeuvre ravélien (1933) mais la voix de François Le Roux, ce si grand chanteur, se révèle dans un état catastrophique. Rappelons-nous Gérard Souzay en fin de carrière, qui s'est obstiné à encore enregistrer. Certes, l'intelligence est toujours là et le début de la Chanson épique pourrait leurrer. Mais le vibrato envahissant dénature toute la suite, surtout la Chanson à boire : elle requiert un éclat que Le Roux a perdu.
Bruno Peeters                      

Son 10 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 9

 

 

 

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