Une heure merveilleuse avec un jeune Mozart de 11 et 12 ans !

par

Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791) : Cantate "Grabmusik", KV. 42/35a. Bastien und Bastienne, KV. 50. Anna Lucia Richter, soprano - Jacques Imbrailo, baryton - Alessandro Fisher, ténor - Darren Jeffery, baryton basse,  The Mozartists, Ian Page, direction. 2018- DDD-66'24"-Textes de présentation en anglais - Signum Classics SIGCD547

La cantate "sur le tombeau (du Christ)", petit oratorio d'un quart d'heure, nous détaille les inquiétudes d'une âme torturée par le doute devant le tombeau du Christ et le réconfort que lui apporte la compassion de l'ange. Daines Barrington, l'homme de loi anglais, rapporte en 1771 dans les très sérieuses Philosophical Transactions de la Royal Society de Londres que l'archevêque de Salzbourg, douteux des qualités qu'on lui rapportait sur le jeune Mozart, l'aurait isolé pendant une semaine pour qu'il compose ce petit oratorio. La cantate est datée de 1767 et comporte deux arias et un duo, chaque fois précédés d'un récitatif. Quelques années plus tard -les musicologues parlent de 1775 ou 1776- Mozart lui a ajouté un récitatif et chœur final qui, malheureusement, ne sont pas repris dans cette édition. Dommage car les numéros enregistrés reflètent toute la sensibilité et la tendresse mozartiennes. Il suffit d'écouter le premier aria : 10 mesures d'introduction allantes à l'italienne et, sans transition, une mélodie céleste des premiers violons survolant le reste des cordes. L'ensemble anglais des Mozartists, son chef, Ian Page, et les deux solistes nous transmettent toute la fraîcheur de ces pages d'une maturité bluffante pour un enfant de 11 ans.

Le baryton basse du mage Colas (Darren Jeffery) vient rejoindre la soprano Anna Lucia Richter (Bastienne) et le baryton Jacques Imbrailo (Bastien) dans Bastien und Bastienne tandis que les hautbois et les flûtes apparaissent épisodiquement en plus des deux cors et des cordes exigés par la cantate précédente. Bastien und Bastienne, le deuxième opéra de Mozart après la Finta simplice, est composé en 1768 -on fête donc son 250e anniversaire cette année. L'excellent livret dû à la plume de Ian Page explique en détail le chemin qui a mené le devin du village de Jean-Jacques Rousseau à la parodie les amours de Bastien et Bastiene (sic) de Favart et de Guerville au livret de Friedrich Wilhelm Weiskern qui a servi à Mozart. Il est fascinant de voir combien les comportements des protagonistes qui constituent la trame de Cosi fan Tutte sont déjà révélés dans ce mini drame. Feintes, ruses, mensonges, indifférences apparentes sont les armes de la jeune Bastienne, subtilement aidée par le mage Colas pour reconquérir son amoureux Bastien.

La découverte du manuscrit original en 1980 apportait encore l'une ou l'autre correction à la tradition qui s'était imposée. L'exemple le plus flagrant est l'air de la magie de Colas conçu par Rousseau, comme une suite de mots sans sens commun : Manche, Planche, / Salme, Palme, ... Il est traduit par Weiskern comme : Tätzel, Brätzel, / Schober, Kober. C'est ce que nous entendons dans cette superbe version qui se veut le reflet de la version originale. Un ami de la famille Mozart, Johannes Schachtner, s'était mêlé, par la suite, de rendre le livret dans un langage encore plus vernaculaire que la traduction issue du texte original de Rousseau. L'air de la magie y  devient sous sa forme plus familière à notre oreille : Diggi, Daggi, / Schurry, Murry ... Ian Page a pris l'heureuse initiative de nous offrir les deux versions de ce tournant de l'action scénique.

La génération du signataire garde le souvenir de la version pleine de fraîcheur des petits chanteurs de Vincennes chez Vega au milieu des années 50 (digitalisée par la Bibliothèque nationale de France et également disponible en partie sur YouTube) et des tournées des Wiener ngerknaben (dont on retrouve partiellement la spontanéité dans leur enregistrement Philips avec le Wiener Symphoniker). Les trois solistes, Ian Page et ses Mozartists nous rendent aussi toute la tendresse et la délicatesse de cet opéra miniature où l'on est déjà plongé dans toute la magie mozartienne. Un petit joyau à ne pas manquer !

Son 10 – Livret 10 Répertoire 9 – Interprétation 10

 

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