Verdi ? Oui, Verdi ! Alzira à l'Opéra de Liège

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Alzira est un opéra de Verdi peu connu et peu représenté (pas même vingt représentations depuis 1996 si mes sources sont fiables). Pourtant, ce n’est pas une œuvre de prime jeunesse : elle est créée en août 1845, Verdi a 32 ans, intercalée, excusez du peu, entre Ernani - I Due FoscariGiovanna d’Arco et Attila - Macbeth ! Dès sa conception, elle est problématique (un sujet inspiré de Voltaire déjà traité par ailleurs, un librettiste, Cammarano, qui traîne et est peu enclin à se plier aux exigences du compositeur) ; sa création à Naples est moyennement saluée, catastrophique à Rome ensuite. On oublie dès lors Alzira, vite qualifiée, même par son compositeur, de « mauvais opéra ».

Et pourtant, j’aimerais saluer sa programmation à l’Opéra de Wallonie-Liège. La maison s’est fait une réputation verdienne ; elle a donc raison d’offrir à ses spectateurs de découvrir davantage « le catalogue » du Maître. D’autant que, si cet Alzira est certes un petit Verdi, c’est quand même du Verdi, et qui mérite notre intérêt.

Bien sûr, son livret reste très schématique et plutôt expéditif dans sa façon de traiter les grands affrontements. En à peine une heure et demie, nous assistons successivement à une exécution inéluctable annulée in extremis par la réapparition miraculeuse de celui que l’on croyait mort – Zamoro, un Indien du Pérou -, qui gracie généreusement le condamné. Par ailleurs, Gusmano, le fils sanguinaire de l’Espagnol gracié, séquestre Alzira, la fiancée du réapparu généreux. Combats. Victoire de l’Espagnol, condamnation à mort de l’Inca… sauf si Alzira épouse le méchant. Au dernier moment, Zamoro, qui a pu miraculeusement s’enfuir, surgit et poignarde Gusmano… qui pardonne et salue l’union des deux amants enfin réunis. 

La façon un peu légère dont j’évoque cette terrible histoire se comprend si l’on considère qu’elle se résume en cette simple succession de péripéties qui opposent des méchants et des généreux proclamant leur haine ou leur amour. En fait, il n’y a guère de profondeur, de subtilité dans tout cela. Cela reste lyrique évidemment dans l’expression et l’explosion de sentiments exacerbés, mais schématiquement en quelque sorte.

N'empêche, c’est réjouissant. Et cela grâce notamment à quelques belles pages, un air d’Alzira, l’ensemble de la fin du premier acte, qui plus est, bien mises en valeur par Leonardo Sini, le chef, avec ce qu’il faut de délicatesse (il y a de si beaux moments pianissimi), de nuance donc, de force et d’emballement. Un qui, remplaçant cet après-midi-là Giampaolo Bisanti, dont il est l’assistant sur ce projet, valorise donc le propos. J’ai beaucoup aimé le Zamoro de Luciano Ganci et l’Alzira de Francesca Dotto. Giovanni Meoni est le redoutable Gusmano. Ils s’imposent dans les moments intenses de l’expression de leurs sentiments amoureux et leurs affrontements. Luca Dall’Amico-Alvaro, Roger Joakim-Ataliba, Marie-Christine Baclin-Zuma, Zeno Popescu-Otumbo et Alexander Marev-Ovando leur donnent une réplique bienvenue.

Visuellement, la mise en scène de Jean-Pierre Gamarra nous retient surtout par ses très belles lumières significatives. Il actualise même un instant le propos en donnant à entendre après le prologue des témoignages réels de l’exploitation qui persiste des populations indiennes en ces terres lointaines-là.

Oui, c’est bien avec Verdi que nous avions rendez-vous, non pas pour l’une de ces oeuvres bouleversantes dans lesquelles il nous emporte d’ordinaire, mais pour une petite pièce de commerce agréable, comme on dit.

Stéphane Gilbart

Liège, Opéra Royal de Wallonie – Liège, le 27 novembre 2022 

Crédits photographiques : J.Berger/ORW-Liège

 

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