Un air merveilleux, un instrument rare : une harmonie céleste ! Lucia di Lammermoor à Liège

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Lucia di Lammermoor de Gaetano Donizetti est célèbre pour un air de Lucia au 3e acte, le fameux « air de la folie ». Pendant de longues minutes, la pauvre et tragique héroïne, qui vient d’assassiner le mari qu’on lui a imposé, évoque son union impossible avec l’élu de son cœur, Edgardo de Ravenswood, l’ennemi maudit de sa lignée. Un air qui, par la magie de ses notes, mélodie, cris, vocalises, reprises, multiplie le propos : l’amour interdit, la soumission épouvantée, l’acte meurtrier irrésistible, la douleur incommensurable, la folie. Ce que l’interprète nous propose alors, c’est à la fois une incarnation : elle est devenue Lucia, et une démonstration : la preuve d’un talent remarquable apte à toutes les virtuosités vocales et expressives. A Liège, l’autre soir, c’est ce qu’a merveilleusement réussi Zuzana Marková. 

Mais Gaetano Donizetti se révèle alors un extraordinaire magicien. Pour accompagner cette voix dans ce chant, il a prévu un instrument rare, un harmonica de verre, le plus souvent remplacé par une flûte. Un choix instrumental absolument bienvenu. Si vous n’étiez pas dans la salle, allez écouter sur internet les sonorités si particulières de cet instrument ou faites-en chez vous l’expérience ludique avec quelques verres plus ou moins remplis d’eau sur le bord desquels vous faites glisser un doigt mouillé. L’harmonica de verre, joué par Sascha Reckert, dialogue avec la malheureuse, en accord, en écho, en prolongement à son délire. Nous sommes emportés dans un autre univers, où les sensations sont la meilleure perception de ce que la réalité détruit. 

Oui, pour reprendre une des expressions de Lucia, il s’agit bien d’une « harmonie céleste ».

Dans une production qui est une reprise de la mise en scène conçue en novembre 2015 par Stefano Mazzonis di Pralafera. Une mise en scène typique du regretté directeur de l’Opéra de Wallonie-Liège, dans sa scénographie « couleur locale », la discrétion de sa mise en place et sa focalisation sur les interprètes heureusement laissés à leur chant.

Zuzana Marková s’impose donc dans le rôle, réussissant à faire vivre les affres de son héroïne dans et grâce aux exigences de sa partition. Julien Behr a les justes accents contrastés d’un Edgardo passant de l’exaltation de l’amour triomphant aux désespoirs de la trahison, du doute, de la colère douloureuse, de l’enchaînement fatal des événements. Lionel Lhote est, vocalement et scéniquement, Enrico, ce frère pour qui seul importe le salut de sa lignée. Luca Dall’Amico est un Raimondo dont les conseils sont ceux d’un courtisan soucieux de ne pas déplaire. Julie Bailly est une Alisa de très belle présence empathique. Oreste Cosimo-Arturo et Filippo Adami-Normanno complètent la distribution.

Renato Balsadonna dirige avec la précision et les intonations qui conviennent l’Orchestre et les Chœurs (masqués) de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège. 

Liège, Opéra Royal, 25 novembre 2021

Stéphane Gilbart

Crédits photographiques : ORW/Jonathan Berge

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