William Mundy, au cœur des troubles religieux du règne Tudor
Vox patris caelestis. William Mundy (c1529-c1591) : A solis ortus cardine. Vox patris caelestis. Videte miraculum. Kyrie. Sive vigilem. Magnificat. O Lord, the maker of all thing. Robert Quinney, Choir of New College Oxford. Livret en anglais ; textes en langue originale, traduction en anglais. Avril 2024. 53’57’’. Linn CKD 775
Témoin des revirements religieux de l’Angleterre durant la seconde moitié du XVIe siècle, la carrière de William Mundy connut d’abord les réformes sous Edward VII (Act of Uniformity de 1549), la réaction sous la sanglante Queen Mary qui imposa le catholicisme et la liturgie romaine, puis un « protestantisme éclairé » sous Elizabeth I qui ne répudia pas le rite latin, encore toléré dans la Royal Chapel. Situé entre l’ancienne génération des John Taverner, Christopher Tye, Thomas Tallis, John Sheppard et le renouveau incarné par Williams Byrd ou Thomas Morley, c’est dans un contexte charnière que s’inscrit Mundy, ce qui explique la diversité doctrinale, formelle et stylistique de son œuvre.
Les Kyrie et Magnificat en alternatim de plain chant révèlent ses premières inspirations. Videte miraculum date toutefois certainement du règne de Mary, période d’émancipation après la fonctionnalité assez stricte du dogme et les exigences d’intelligibilité dans le traitement du texte. La dévotion individuelle s’affirme, la subjectivité s’émancipe. Relevant de la tradition des antiphons, et dérivé du Cantique des Cantiques, Vox patris caelestis reste célèbre pour son impressionnant gymel, effet de dédoublement des voix aigues, sur les paroles « Veni ad me, Assuerum verum, Esther ». La musicologie récente a pu supposer que la célébration de l’Assomption de la Vierge renvoie probablement à l’accession au trône de la reine Mary en 1553.
Manifestement postérieur, O Lord, the maker of all thing illustre le retour d’un cadre anglican, et d’une expression plus sobre et intime, ici hissée à la tierce mineure pour correspondre aux pratiques d’aujourd’hui, selon Robert Quinney. Toutes les autres interprétations du programme calibrent cependant le diapason à 466, selon l’usage de l’époque. L’anthologie ici proposée n’aborde ni Ah, helpless wretch ni The secret sins, deux exemples de verse anthems, un genre dont Mundy fut précurseur, et qui apparaissaient dans le CD de l’ensemble The Sixteen (Hyperion, août 1988), lui-aussi entièrement consacré à Mundy et qui constitue toujours l’étalon de sa trop maigre discographie. En revanche, le New College inclut la rare hymne de Noël A solis ortus cardine, qui reçoit ici son tout premier enregistrement
À l’instar de Duncan Ferguson avec le chœur de la cathédrale St Mary d’Édimbourg (Delphian, 2016-2017), le New College d’Oxford emploie des garçons pour les trebles : cette option s’avère globalement plus authentique que les sopranos adultes d’Harry Christophers, même si l’on pourrait discuter le recours à deux altos féminines en renfort du Vox patris caelestis.
À l’écoute, la structuration des tessitures s’avère judicieuse, équilibrée, sans stridence pour le triplex. Seul le Kyrie montre les troupes à la peine dans les excursions certes périlleuses de la partition. Partout ailleurs, un tactus fluide mais sans empressement permet un serein épanouissement polyphonique, ce que conforte une acoustique naturelle et agréable (église Saint Jean l’Évangéliste d’Oxford). Souvent présent dans les florilèges de la musique sacrée Tudor, Mundy n’est pas un inconnu dans ce répertoire, mais méritait ce plein album, dont on regrette seulement la relative brièveté.
Christophe Steyne
Son : 9 – Livret : 8 – Répertoire : 7 à 9 – Interprétation : 9