A la mémoire du chef d’orchestre Carlos Païta

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Dimtri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°8 Op.95 ; Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n°8 (édition Haas). Philharmonic Society Orchestra, Carlo Païta. 1981 et 1982. Livret en français et en anglais. Palais des Dégustateurs. PDD036

Piotr Ilitch Tchaïkovsky (1840-1893) : Symphonie n°4 en fa mineur, Op.36 ; Marche Slave en si bémol mineur ; Hamlet, Op.67 ; Capriccio italien, Roméo et Juliette, Symphonie n°6 en si mineur, Op.74 “Pathétique”. Russian Philharmonic Orchestra, National Philharmonic Orchestra, Carlo Païta.  Livret en français et en anglais. Palais des Dégustateurs. PDD037

C’est avec grand plaisir que l’on retrouve des enregistrements du chef d’orchestre argentin Carlos Païta (1932-2015). Né à Buenos-Aires, ce chef d’orchestre s'était installé en Europe, il a même un temps régulièrement dirigé en Belgique que ce soit l’Orchestre Philharmonique (royal) de Liège ou la Philharmonie (royale) des Flandres. 

Carlo Païta c’était surtout une très forte personnalité et un tempérament tant indépendant qu’entreprenant.  Ce caractère indépendant le rend mal à l’aise dans un cursus académique classique marqué par la figure de Wilhelm Fürtwangler auprès duquel il assiste à des répétitions et des concerts à l’occasion de la venue du grand chef en Argentine. Le jeune homme se lance dans la direction avec un goût pour les œuvres spectaculaires à l’image de la Symphonie n°2 de Mahler dont il donne la première en Amérique latine, en 1956, sur la scène du théâtre Colón de Buenos Aires. En 1963, il dirige le Requiem de Verdi à l’occasion d’un concert à la mémoire du Président Kennedy, et c’est un grand succès. 

Mais c’est de l’autre côté de l'Atlantique que sa carrière va décoller. En 1968, il signe avec le label DECCA un contrat pour des enregistrements dans le cadre de la collection Phase 4 qui se veut un nec plus ultra hifiste. Un album Wagner est d’emblée un immense succès car la direction spectaculaire du chef est valorisée par la prise de son et cet album sera pendant un moment un disque de démonstration. Des enregistrements de symphonies de Beethoven, d’ouvertures de Rossini, un Requiem de Verdi suivent avant une Symphonie Fantastique de Berlioz, en 1978, couronnée d’un Grand prix du disque de l’Académie Charles Cros. Dès ces albums, il y a une marque Païta avec une capacité à faire sonner l’orchestre avec puissance et virtuosité et à imposer des lectures unilatérales arrachée au panache et au charisme avec un côté transe collective. C’est un peu un mix entre la virtuosité et la puissance du jeune Zubin Mehta et le sens musical au panache, l'impact et le tranchant d’un Evgueni Svetlanov. Ce style de direction spectaculaire s’accorde parfaitement à l’excellence technique et à la haute dynamique des phalanges britanniques.  Mais Carlos Païta est un entrepreneur : à Londres il fonde son orchestre : le Philharmonic Symphony Orchestra pour les besoins de ses enregistrements avant de se présenter au concert, mais il fonde également son propre label : Lodia tout en étant l’un des premiers à croire à l’enregistrement numérique. Dès lors, tout le répertoire de démonstration symphonique va être gravé : Bruckner, Brahms, Tchaïkovski, Dvořák, Moussorgski, Schubert….   

C’est dans ces fonds Lodia qui puisent ces rééditions du Palais des Dégustateurs : une Symphonie n°8 de Bruckner, des Symphonies n°4 et n°6  ainsi que la Marche slave, Hamlet, le Capriccio italien et Roméo et Juliette de Tchaïkovski. Seul un enregistrement de concert de la Symphonie n°8 de Chostakovitch de 1981 est un inédit.   

Bien évidemment, ce que l’on retient de ces bandes, c’est l’impact charismatique. On adore ainsi la Symphonie n°4 de Tchaïkovski, envisagée tel un rouleau compresseur musical et vrombissant d’une machinerie instrumentale. A ce jeu, certains passages sont grandioses : l'implacable transition entre les mouvements III et IV,  ou la coda finale magistrale d’impact. Le Capriccio italien et la Marche slave sont jubilatoires et emportés à l’énergie communicative dans un festival de transe instrumentale. L’ouverture fantasie Roméo et Juliette, est un grand moment par sa puissance de démiurge qui cerne les contrastes dans une narration passionnée et spectaculaire qui s’appuie sur la virtuosité orchestrale brute ; même si parfois c'est un peu surjoué, mais c'est tellement plaisant.  Autre grande réussite, la Symphonie n°8 de Bruckner, malgré un orchestre qui manque parfois de fini, envisagée comme une chevauchée romantique. C’est un Bruckner de conteur, qui se promène dans une forêt touffue et dense, traversée de trous de lumière. L’impact des pupitres crée des ombres fantomatiques sur cette épopée instrumentale brute et magmatique d'un matériau en fusion.  

On est un peu moins convaincus par la Symphonie n°6 de Tchaïkovski, certes parfaitement cernée mais qui se dévoile plus difficilement sous cette direction spectaculaire. Chaque mouvement est bien cerné mais l’ensemble nous laisse un peu réservés. La Symphonie n°8 de Chostakovitch, captée lors d’un concert, est un très belle lecture, unie, puissante, et contrastée, mais elle reste un peu trop à un entre-deux entre la mise en avant de la narration et la mise en valeur de la logique instrumentale pure. Sans doute, qu’en 1981, ce type d’approche était très original, mais ce concept interprétatif s’est désormais généralisé. Il n’empêche on admire la capacité du chef à galvaniser ses pupitres avec des transitions entre les mouvements centraux parfaitement gérées et spectaculaires. En concert live, ça devait méchamment donner ! 

Dès lors, comment ne pas se réjouir de retrouver ces gravures communicatives, témoins d’un art de la direction viscéral, engagé et passionné à mille lieues des leçons de sieste que tant de chefs et cheffes actuels, lisses et impersonnels, nous donnent trop souvent. On espère retrouver à l’avenir d’autres enregistrements de Carlos Païta. 

Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 9/10

Pierre-Jean Tribot

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