Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre de chambre d’Europe coruscants dans une nouvelle intégrale des Symphonies de Beethoven.
Ludwig van Beethoven (1778-1826) : Intégrale des Symphonies. Florian Boesch, ténor ; Werner Güra, baryton ; Siobhan Stagg, soprano ; Ekaterina Gubanova, mezzo-soprano. Accentus, Chamber Orchestra of Europe, Yannick Nézet-Séguin. 2021. 5 CDs Deutsche Grammophon 4863050.
Le moins que l’on puisse dire concernant le label Deutsche Grammophon c’est qu’il sait faire preuve d’optimisme. La célèbre marque à l’étiquette jaune fait même coup double en matière d’audace : sortir une énième intégrale des Symphonies de Beethoven… en plein pendant les vacances d’été. Une période peu souvent propice pour ce genre de sorties. Heureusement nous ne faisons pas partie des esprits chagrins et blasés, au contraire nous en redemandons encore et toujours. Nous avons encore en mémoire le choc et la surprise lors notre première écoute de la lecture de Paavo Järvi avec son orchestre de Brême dans les mêmes œuvres à partir de 2007. Impression confirmée en concert ensuite. Qui pouvait alors imaginer une telle réussite ? D’autres (Chailly, Jansons, Fischer…) ont depuis démontré le caractère inépuisable de l’exercice.
La comparaison entre la performance de Yannick Nézet-Séguin et celle du chef estonien est volontaire. Le succès est le même et la filiation est immédiatement établie : vision chambriste, recherche permanente d’un équilibre des masses, cohérence et dynamisme sont au programme. Et qui mieux que l’Orchestre de chambre d’Europe pour incarner et porter une telle ambition ? La formation fondée en 1981 et accompagnée dans ses premiers pas par Claudio Abbado et Nikolaus Harnoncourt a toujours été à l’avant-garde du renouveau musical en particulier dans le domaine symphonique. Ajoutez à cela un chef de la trempe de Nézet-Séguin et vous obtenez un mélange détonant. C’est le tube de l’été assuré, une sorte de Lambada ou de Macarena Beethovenienne ! On y revient encore et encore. Une vision parfaite pour épouser un beau coucher de soleil en bord de mer.
Plus sérieusement la version Yannick Nézet-Séguin se démarque par son utilisation des nouvelles partitions Breitkopf. Cela nous rappelle furieusement un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître avec la parution dans le début des années 2000 de l’édition Bärenreiter (la fameuse version J.Del Mar) qui avait irrigué toutes les versions majeure de l’époque. Mais honnêtement nous ne sommes pas en mesure - à cette heure - de vous dire en quoi cela change quelque chose en bien ou en mal. Tout au plus il apparaît quelques simplifications ici ou là.
Qu’importe après tout ? Toutes ces évolutions musicologiques sont des clefs de lecture de l’œuvre, le libre arbitre du chef demeure. Le grand Sergiu Celibidache ne disait-il pas que le plus important était que la musique rende à l’auditeur sa liberté ? C’est ce que fait magistralement Nézet-Séguin qui sait s’affranchir des dogmes. Nous retrouvons en cela les qualités entrevues dans l’incroyable Flûte Enchantée parue en 2020. Cela fait du bien d’entendre une intégrale aussi réussie et cohérente chez DG classics qui ressortait de plusieurs « bides » retentissants. Aligner les noms et les stars est une chose, obtenir un tableau harmonieux en est une autre.
Vous l’avez compris nous ne chercherons pas à mettre en avant telle ou telle symphonie, ce cycle est un tout qu’il faut aborder ainsi. Un archipel musical avec ses îles, ses criques, ses plages, ses contrastes…un beau voyage pour accompagner vos vacances sous les meilleurs auspices !
Pour conclure nous aborderons la rituelle question : comment situer cette intégrale au sein d’une hiérarchie impressionnante ? Nézet-Séguin ne boxe pas dans la catégorie poids lourds donc exit les Karajan et autres Furtwängler. Il faut plutôt chercher du côté de Savall, Roth, Zinman ou bien évidemment Järvi auxquelles elle n’a rien à envier. Un référence de tout premier choix dans cette optique chambriste.
Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10
Bertrand Balmitgère