Dudamel à l'heure Ives

par

Charles Ives (1874-1954) : intégrale des symphonies. Los Angeles Master Chorale, Grant Gershon ; Los Angeles Philharmonic Orchestra, Gustavo Dudamel ( Marta Gardolińska : cheffe additionnelle dans la Symphonie n°4). 2020. Livret en anglais. 124’27. DGG. 00289 483 9502


DGG a la bonne idée de proposer une captation de l’intégrale des quatre symphonies de Charles Ives (cela étant les puristes noteront qu’il manque à ce parcours la Holidays Symphony et l'inachevée Universe Symphony pour être parfaitement complet). Cette somme a été enregistrée en février 2020, quelques semaines avant que le rideau noir ne tombe sur la vie musicale et n'ouvre cet interminable tunnel !

Gustavo Dudamel avait eu la bonne idée d’associer les trois dernières symphonies d’Antonin Dvořák aux quatre symphonies de Charles Ives lors d’un mini-festival. La confrontation était judicieuse tant Dvořák est l’une des sources de la musique de Ives, sans oublier que le compositeur tchèque occupa la fonction de directeur du conservatoire de New-York et que son influence sur un art compositionnel américain fut grande même si la plupart des compositeurs étasuniens d'alors suivait cette voie sans trop d'originalité. Ajoutons que Dvořák s’inspira de mélodies et d’airs entendus sur le sol américain, alors que Ives reprend sans vergogne des airs, chorals ou mélodies de la musique populaire ou religieuse américaine. Il y aurait au final beaucoup à dire sur la proximité entre les deux géants, même si Dvořák était une star mondiale et qu’Ives resta un compositeur amateur dont l’oeuvre radicale fut composée en dehors de ses heures auprès de sa lucrative entreprise d’assurances.  L’un est omniprésent dans les salles de concert tandis que l’autre reste une curiosité en dehors des mélomanes exigeants et des amoureux émérites de la modernité. Espérons que la médiatisation de Dudamel permettre à un plus grand nombre de découvrir ces belles oeuvres. 

L’évolution du parcours symphonique de Ives est fascinant tant on voit le compositeur progressivement se détacher des canons classiques néo-romantiques parfois un peu gauches comme dans la néo-dvořákienne Symphonie n°1 pour apporter une dose évolutive d’expérimentations et de dissonances, jusqu’à la volcanique Symphonie n°4, partition hors normes qui convoque deux groupes orchestraux,  un orgue, un choeur mixte. Gustavo Dudamel trouve d’emblée un ton juste qui, s'il ne cherche pas à mettre en avant la radicalité de l‘écriture, l’inscrit dans une narration du meilleur effet. Parfois inutilement démonstratif dans ses interprétations, Dudamel est ici attentionné et sert magistralement ces symphonies, l’une des grandes réussites réside dans la très chambriste  Symphonie n°3 pour orchestre de chambreici aérée, étincelante et poétique. 

Le Los Angeles Philharmonic Orchestra, qui connaît son Ives, depuis ses enregistrements des Symphonies n°1 et n°2 avec Zubin Mehta (Decca) est exemplaire dans son engagement et son sens des couleurs et du rythme. Si l’on fait abstraction de l’intégrale essentielle de Michael Tilson-Thomas (Sony) et de quelques gravures isolées :  Leonard Bernstein dans les symphonies n°2 et n°3 (Sony),  Christoph von Dohnányi (symphonie n°4) ou  Seiji Ozawa (symphonie n°4), cette intégrale est une référence.  Elle surclasse haut la main les tentatives valeureuses d'Andrew Davis à Melbourne (Chandos) et Andrew Litton à Dallas (Hyperion)

Son : 10    Livret : 8    Répertoire : 10    Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

 

 

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