Mots-clé : Gustavo Dudamel

Carte Blanche à Gustavo Dudamel

par

Gustavo Dudamel, directeur musical de l’Opéra de Paris, confie son admiration pour « Bernstein qui a su brillamment articuler sa pratique artistique et son engagement dans la société, surtout auprès des jeunes générations. Dans la continuité d’engagements généreux, il a choisi pour sa « carte blanche » un programme lyrique incluant deux sopranos, une mezzo, une basse et de courtes interventions d’un ténor et d’un baryton. Déjà expérimentés, ils côtoient tous la trentaine et sont déjà distribués dans des rôles qui n’ont rien d’anecdotiques tel celui de Zuniga dans Carmen ou la Première Dame de La Flûte enchantée. 

Quant au répertoire de Music Hall et de Zarzuela, unissant compositeurs catalans, argentins à Bernstein et Kurt Weill, il ravit public et mécènes.

La soirée s’ouvre avec les Bachianas brasileiras N°5 du Brésilien Heitor Villa-Lobos suivies d’une délicate mélodie. Au centre des huit violoncelles de l’Orchestre de l’Opéra, la soprano Martina Russomano allie le charme à la lumière d’une voix dont le legato et les aigus peuvent certainement gagner encore en épanouissement. L’expression reste simple et fidèle à l’esthétique d’un répertoire parfois âpre qui recherche plus l’émotion que le « joli ». 

Tristan et Isolde sans Tristan ni Isolde à l’Opéra de Paris

par

Depuis presque vingt ans (2005), le dispositif vidéo conçu par Bill Viola pour le chef d’oeuvre de Wagner s’empare de l’inconscient du spectateur avec une efficacité remarquable au point que le rituel de purification bouddhiste, les ruissellements, les brumes et les forêts traversées de halos, les flammes et les chorégraphies fœtales ont quasiment acquis le statut de « vache sacrée » (dernière reprise sur la même scène en 2018).

Pourtant, sans douter de sa valeur intrinsèque, un certain décalage avec le mythe occidental de Tristan et Iseult apparaît ; encore plus avec l’opéra, lui aussi « culte », que Wagner composa pour l’amour de Mathilde Wesendonck (créé à Munich, le 10 juin 1865).

Avec le temps, les mouvements « cosmiques » (qui firent scandale en 2005) projetés sur un écran au dessus des chanteurs restent beaux mais se révèlent sans audace, voire même, franchement aseptisés.

De plus l’enchaînement des images conduit non pas dans la dynamique d’un vortex comme à Baden-Baden en 2007 avec l’Isolde irradiante et inégalée de Nina Stemme (2007) mais vers une régression utérine (embryons qui s’ébattent dans un liquide amniotique puis s’effacent). Le mythe de « Tristan et Iseult » est dès lors tourné entièrement vers la mort-néant et non vers la mort d’amour (« Liebestod » du dernier acte).

Le choix d’une esthétique visuelle sans aspérité, parfois clinique, parfois « fleur bleue » (vagues, arbres, ciels), vient renforcer cette impression.

Dudamel galvanise le Liceu dans “Die Zauberflöte”

par

Il suffisait d’observer les sourires radieux des musiciens de l’orchestre accueillant leur chef sur le podium pour présager d’une soirée de bonheur. Car  Gustavo Dudamel dirige d’un geste aussi sobre que redoutablement efficace et il est capable d’une concentration et d’une vivacité d’esprit hors normes. La manière dont il forme les phrases musicales, avec une plasticité et des lignes de force incroyablement bien pensées et conduites, est un prodige en soi ; le foisonnement des fortepiano, une nuance si caractéristique de Mozart et si souvent négligée, lui confèrent une signature sans équivoque : les Abbado ou autres maîtres qui l’ont influencé ont tracé leurs sillons, mais ce qui a germé est une personnalité absolument définie, unique. Qui nous a servi bien des moments magiques : dans l’Ouverture, le fugato sur le thème de Clementi, auquel Mozart rend un hommage sans prix, est servi avec une impétuosité contrôlée et un sens des équilibres sonores prodigieux. (L’hommage mozartien ne sera pas le seul rendu à cet excellent compositeur trop méconnu : Cimarosa, dans son Matrimonio segreto réutilisera aussi ce motif). Les répétitions du thème passent vite à un second plan extrêmement délicat, tandis que les contrepoints mozartiens sont traités avec énergie et chaleur. Dans l’air poignant de Pamina, qu’il accompagne magistralement, il laisse une respiration avant la miraculeuse coda (un de plus beaux moments de l’histoire de la musique), et l’on dirait que le temps s’est arrêté pour céder la place au désespoir. Cela ne dure qu’une fraction de seconde, mais son effet émotionnel est bouleversant. Et dans le fugato avec le choral de deux hommes armés, un des moments les plus énigmatiques de la Flûte mozartienne, le contrepoint prend une vie qui semblerait autonome, hors du temps et de l’espace… Son exploitation extrêmement organisée et vivante par la famille des cordes fait ressortir encore davantage les qualités sonores bien connues de l’orchestre du Liceu. Le tout avec une attitude humaine où tout soupçon d’arrogance est inexistant. Nous sommes bien loin du temps des Karajan ou Toscanini, avec leur prépotence légendaire.

Des Noces de Figaro hors sol à Garnier

par

La nouvelle mise en scène des Noces de Figaro à l’Opéra de Paris est due à une spécialiste multimédia, Netia Jones, qui s’est intéressée jusqu’ici essentiellement à l’oratorio ou aux musiques contemporaines (Philipp Glass, Britten, Berio, Haendel par exemple). Elle prend comme point de départ son propre regard sur le fonctionnement d’une maison d’opéra quadricentenaire -vision en miroir et mise en abîme de « l’opéra dans l’opéra », avec aperçus sur la rue Scribe et le Foyer. 

L’action originelle se situe au XVIIIe siècle, à trois lieues de Séville, dans le château du Comte Almaviva, grand d’Espagne. Cette fois-ci, elle est transposée dans les coulisses d’un opéra contemporain.

L’Ouverture se déroule sur fond clignotant de régie laissant le public assez froid. Puis le plateau se divise en trois cases verticales séparées de cloisons qui masquent un tiers de la scène au public, à droite ou à gauche,... ce qui est fâcheux ! La loge du milieu est occupée par Figaro et Suzanne, respectivement perruquier et costumière. Le Comte et la Comtesse devenus artistes lyriques ainsi que les autres protagonistes entrent et sortent.

Sans contredire frontalement la dynamique de l’œuvre, la mise en scène lui reste étrangère par son statisme et une inventivité toujours sous contrôle. Quant à sa signification, elle semble  pour le moins obscure : le décompte de chronomètres géants fait-il allusion à la précipitation de la « folle journée » ?  Les portants de costumes s’étageant sur toute l’ouverture de scène évoquent-t-ils les travestissements à venir ? Et pourquoi trois fauteuils sous plastic remplacent-ils les bosquets au final ?

Turandot grandiose et pétrifiée sous les lumières de Robert Wilson

par

Il rêvait de « roses et d’amour », d’un grand opéra exotique « sorte de Saint Graal chinois ». Mais Giacomo Puccini s’interrompit à jamais, six mesures d’orchestre après le cortège funéraire de Liù, la petite esclave sacrifiée, « Liù bontà… perdona... Poesia ». C’est dans cette version inachevée que fut créée, sous la baguette de Toscanini en 1926, la dernière œuvre de l’auteur de Manon Lescaut, Bohème, Tosca, Butterfly, Gianni Schicchi entre autres chefs-d’œuvre. Les compositeurs Franco Alfano, choisi ici, et Luciano Berio ont ensuite complété la fin de l’acte III.

Dans les faits, le destin voulut que la grande fusion amoureuse païenne entre Turandot et Calaf d’inspiration wagnérienne n’eût jamais lieu et cède le dernier mot à la fragile Liù. Aussi est-il permis de penser que la partition se suffit à elle-même et que Toscanini avait raison.

Sa richesse musicale frappe par les multiples influences qui s’y mélangent, prouvant l’intérêt de ce grand amateur de bolides pour son époque en même temps que la fidélité à sa terre natale. Ainsi de l’introduction de personnages bouffes de la commedia dell’arte (Ping, Pang, Pong) ou de la réflexion sur le mouvement (La Valse de Ravel comme les Ballets russes y font déjà allusion). Quant au Rossignol de Stravinsky qui met en scène un Empereur de Chine préférant à l’oiseau chanteur bien vivant, un rossignol mécanique, il est créé le 29 mai 1914 à l’Opéra de Paris, sept années avant la composition de Turandot.

L’attrait de l’exotisme, également, décuplé par les Expositions Universelles de 1889 et 1890 fascine Claude Debussy et toute l’avant-garde française tandis que Puccini va en renouveler l’approche d’une manière très personnelle avec Turandot, légende chinoise rêvée par le dramaturge vénitien Carlo Gozzi (1720-1806).

 A l’opposé de ce caractère composite, la stylisation monumentale de Robert Wilson (reprise de celle crée à Madrid en 2018) ses éclairages architecturés, une vidéo minimaliste, la gestuelle tour à tour statique ou saccadée, les costumes taillés au laser (excepté le retour consternant du complet-veston pour le trio comique) s’impose en bloc. Les tableaux sont puissants, ils captivent, monopolisent l’attention au point de figer l’imagination et d’engendrer une forme d’ennui.

Gustavo Dudamel qui fait ses débuts -très attendus et applaudis- à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Paris, prend des options identiques. Ainsi, dès la première mesure, la puissance déferle, saturée de couleurs, érodant reliefs et aspérités.

Mahler, l’effet Dudamel  ?

par

Gustav Mahler (1860-1911) :  Symphonie n°8 en mi bémol majeur, dite « des Mille ».  Tamara Wilson, Leah Crocetto, Erin Morley, Sopranos ; Mihoko Fujimura, Tamara Mumford, altos ; Simon O’Neill, ténors ; Ryan McKinny, baryton ; Morris Robinson, basse. Los Angeles Master Chorale, Pacific Chorale, Los Angeles Children’s Chorus, National Children’s Chorus Los Angeles Philharmonic ; Los Angeles Philharmonic Orchestra, Gustavo Dudamel. 2019. DGG. 1 e-Album Deutsche Grammophon.

La passe Dudamel ou l’impasse Dudamel ? 

par

La nouvelle tant attendue est enfin tombée : Gustavo Dudamel est désigné au poste de directeur musical de l’Opéra de Paris ! Dans un contexte morose et déprimant, les spéculations sur cette arrivée qui ont tant occupé le landerneau musical et les commentateurs de réseaux sociaux en étaient presque divertissantes et croquignolesques.

A ce titre, il fallait se régaler des commentaires lu ça et là sur les spéculations les plus improbables et les désignations éventuelles qui apparaissent au détour d’une conversation, d’avis sur les réseaux sociaux ou même d’articles de confrères. Certains chefs et cheffes dont les noms étaient avancés devaient même être assez pantois ou bien très flattés d’être virtuellement successeurs de Philippe Jordan ! Cela étant, le nom du chef vénézuélien avait été communiqué à des personnels de l’Opéra de Paris dès l’automne dernier. Comment expliquer un tel délai de communication au public ? Stratégie délibérée pour espérer annoncer la nouvelle alors que le public aurait pu revenir dans les salles ? Négociations de dernières minutes pour la finalisation du contrat (on peut compter sur le redoutable et hautement expérimenté Mark Newbanks, l’agent du chef, pour négocier avec toute la dureté attendue) ? Nécessaire validation des termes du contrat par la tentaculaire et tatillonne Administration étatique française...? Il n’empêche, la fumée est blanche et le champagne coule !   

Commenter une désignation est au final un sport de comptoir de bar tant des tas de facteurs entrent en compte, y compris les plus subjectifs, ce qui conduit trop souvent à ne se fier qu’à l’émotion.

Bien évidemment, une nomination vaut ce qu’elle vaut et il est tout à fait présomptueux d’envisager le futur de ce mandat... Mais une telle désignation donne une orientation symbolique, surtout pour une institution comme l’Opéra de Paris et dans un contexte général qui appelle à réinventer le classique et à faire table rase des habitudes du passé pour répondre aux enjeux du monde post-covid.  

Mahler en intégrale à Berlin 

par

Gustav Mahler (1860-1911) : intégrale des symphonies. Lucy Crowe, Christiane Karg, Erika Sunnegardh, Susan Bullock, Anna Prohaska, Sopranos ; Gerhild Romberger, Nathalie Stutzmann Lilli Paasikivi, Altos ;  johan Botha, Tenor, David Wilson-Johnson, barytons ; John Relyea, basse. MDR-Rundfunkchor Leipzig, Rundfunkchor Berlin, Knaben des Staats- und Domchors Berlin, Berliner Philharmoniker : Daniel Harding, Andris Nelsons, Gustavo Dudamel, Yannick Nézet-Séguin, Kirill Petrenko, Simon Rattle, Bernard Haitink, Claudio Abbado. 2011-2020.  Livret en anglais et allemand. 1 coffret de  10 CDs + 4 Blu-ray. BPO.  

Dudamel à l'heure Ives

par

Charles Ives (1874-1954) : intégrale des symphonies. Los Angeles Master Chorale, Grant Gershon ; Los Angeles Philharmonic Orchestra, Gustavo Dudamel ( Marta Gardolińska : cheffe additionnelle dans la Symphonie n°4). 2020. Livret en anglais. 124’27. DGG. 00289 483 9502

John Williams, plein des oreilles

par

John Williams (né en 1932) : Celebrating John Williams. Musiques de films extraites de : Close Encounters, Jaws, Happy Potter, Schindler’s List, E.T the Extra-Terrestrial, Hook, Jurassic Park, Indiana Jones, Memoirs of a Geisha, Star Wars, Olympic Fanfare and Theme, Superman March. Los Angeles Philharmonic, Gustavo Dudamel. Enregistré en concert en janvier 2019. 49’11 et 46’18. Livret en anglais. 2 CD DGG. Référence 483 6647.