Ses silences mêmes ne sont que pure beauté

par

JOKERValer SABADUS
Contre-ténor
Oeuvres de HASSE (I), PERGOLESE (II), PURCELL, MATTEIS, DOWLAND (III), MOZART (IV)
Divers ensembles
Enregistré en direct de 2011 à 2015
2016-4 CD- 62'28-56'09-66'57-49'54- livret en allemand et anglais- chanté en italien, latin, anglais- OEHMS classics OC-011

Déjà applaudi sur nombre de scènes baroques (à l'occasion d'« Artaserse » de Vinci, « L'incoronazione di Poppea » ou « Catone in Utica » récemment commenté ici et distingué par les ICMA 2013), le tout jeune musicien dont le tempérament dramatique fait merveille sur scène, ne passe pas inaperçu. Car il y a en lui une dignité, une vérité, une poésie qui ne cesse de s'affirmer tout au long de ce vaste recueil de quatre disques (aux excellents accompagnements instrumentaux), récital allant du XVIe anglais au XVIIIe européen. Avec Pergolèse (disque 2) nous touchons à un art clair, presque saltatoire, avec de sobres et douloureux silences que renforce encore une légèreté d'expression pleine de délicate tendresse. Avec Hasse, contemporain de Haendel (1699-1783), l'aisance dans la tessiture aiguë donne sa pleine valeur aux lignes mélodiques ondoyantes, aux jolis sauts de quintes, d'octave, aux ornements ravissants tandis que l'orchestre enveloppe la partition d'un certain mystère. Même charme poétique avec les auteurs « élizabethains » (Purcell, Matteis, Dowland) remarquablement caractérisés dans leur style propre, avec des oppositions de registres, de rythmes et d'atmosphère, tels que le révélait il y a un demi siècle (déjà!) le célèbre Alfred Deller. Admirateur d'Andréas Scholl, Valer Sabadus prend place ici dans la lignée de ces sublimes musiciens de la mélancolie. Restent les fameux « Castrato Arias » de Mozart (« La Finta Giardiniera », « Lucio Silla », « La Clemenza di Tito », « Idoménée » et... curieusement -car n'ayant jamais été destiné à un castrat- le « Voi che sapete » des « Noces de Figaro » !). Ici, le chanteur va jusqu'au bout de son art, de sa généreuse perception de la musique. Ses moyens -timbre soyeux, souplesse, dynamisme, goût- ne relèvent plus de telle ou telle classification vocale spécieuse qui semble alors bien vaine, mais sont tout entiers au service de la partition. Ses silences mêmes ne sont que pure beauté : il s'y engage – et nous avec lui : peut être est-ce le plus bel éloge qu'on puisse lui faire, car ils naissent d'un bouleversant, d'un vrai musicien.
Bénédicte Palaux Simonnet

Son 10 - Livret 7 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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