Ouverture en quatuor
Le festival de l’OPRL « Storytelling » s’est ouvert dans la Salle académique de l’Université de Liège en petit comité avec la mezzo-soprano Albane Carrère et le quatuor à cordes Alfama. Au programme de ce concert de midi, 3 œuvres de musique de chambre au style varié : Il Tramonto de Respighi, l’Andante con moto du quatuor à cordes La jeune fille et la mort de Schubert (D.810, deuxième mouvement) et le cycle de lieder Envie de nostalgie – randonnée avec Schubert qui comporte des arrangements de lieder de Schubert et deux compositions personnelles du compositeur belge Jean-Luc Fafchamps.
Accueillis poliment à leur entrée, les 5 musiciens ont entamé les premières notes du Il Tramonto (le coucher de soleil). La magie a opéré d’emblée : une technique parfaite et une interprétation assumée ont conquis le public. Albane Carrère a un timbre rond, chaleureux et avec peu de vibrato qui se mélange parfaitement aux sons de ses collègues. Très en-dehors de ses partitions, elle captive le public par ses regards et son jeu sur un texte pourtant très sombre. Bien que les 4 instrumentistes interagissent peu avec elle (qui cherche quelquefois leurs regards mais en vain), le public est attentif jusqu’à la fin de cette œuvre trop rarement jouée.
Dans de l’Andante, le quatuor montre tout son potentiel musical. Dirigé par la violoniste Elsa de Lacerda, les musiciens font preuve d’une grande complicité tout au long de l’œuvre. Le public a pu remarquer que chaque nuance était travaillée à la perfection (on notera d’ailleurs l’incroyable douceur et la mélancolie du début qui évoquent le style de Schubert). L’interprétation n’a pas non plus laissé de marbre : la violoniste semble danser avec son instrument, et les quatre musiciens, plus présents que dans Respighi, viventla musique individuellement et tous ensemble. Les applaudissements étaient à la hauteur : intenses, enthousiastes et sincères.
Enfin, les arrangements et compositions de Fafchamps. Commandé en 2017 par le Quatuor Alfama, ce cycle de 7 lieder contient des transformations très personnelles de Fafchamps de lieder connus tels que Gretchen am Spinnrade ou encore Abendstern. Certains sont plus conventionnels mais d’autres offrent un côté très dissonant, voire atonal, qui rappelle régulièrement le Pierrot Lunaire de Schoenberg. Le compositeur belge a d’ailleurs utilisé beaucoup de techniques contemporaines des instruments à cordes (grands glissandi et autres effets sonores divers qui servent principalement à représenter le texte). Il n’a pas non plus hésité à intégrer des moments parlés dans les lieder de sa composition. La plupart des chants sont transposés pour voix de mezzo et Albane Carrère excelle encore, en intimité avec le public. Le quatuor a donné une remarquable interprétation du cycle, assumant pleinement le répertoire. Les seuls réserves concernent les grands fortissimi où le public perd un peu trop la voix d’Albane Carrère au profit du quatuor malgré la bonne acoustique de la salle.
On aime ou pas les arrangements contemporains d’œuvres dites « classiques », mais Jean-Luc Fafchamps a bien relevé le défi et conquis le public avec son propre style musical. Longuement applaudi aux côtés des artistes à la fin du concert, il a montré que la musique contemporaine peut encore avoir un bel avenir dans notre pays.
Romy Leroy, Reporter IMEP
Liège, salle académique de l’Uliège, jeudi 31 janvier 2018
Crédits photographiques : Bernard Hermant