Par amour. Airs d’opéras de Franco Alfano (1875-1954), Alfredo Catalani (1854-1893), Charles Gounod (1818-1893), Jules Massenet (1842-1912), Giuseppe Verdi (1813-1901), Giacomo Puccini (1858-1924) et mélodie de Henri Tomasi (1901-1971). Vannina Santoni, soprano ; Albane Carrère, mezzo-soprano ; Julien Dran, ténor ; Orchestre national de Lille, direction Jean-Marie Zeitouni. 2023. Notice en français, en anglais et en allemand. Textes chantés reproduits, avec traductions. 68’ 32’’. Alpha 1118.
« Kiki à Paris » Mélodies et chansons de Claude Debussy, Reynaldo Hahn, Francis Poulenc, Lili Boulanger, Kiki de Montparnasse, Boris Vian, Édith Piaf, Barbara, Dalida, France Gall, Jane Birkin, Brigitte Fontaine, Juliette et Hoshi. Albane Carrère, mezzo-soprano ; Elsa De Lacerda, violon ; Magali Rischette, guitare ; Jean-Luc Fafchamps, arrangement et composition. 2024. Livret en français et en anglais. 56’25. Cypres, CYP8623.
Pour ouvrir sa nouvelle saison, l’Opéra du Grand Avignon reprend pour trois dates seulement la Traviata de Verdi de l’opéra de Limoges sous la direction de Federico Santi et la mise en scène de Chloé Lecha. Seul opéra de Verdi traitant l’époque de sa composition, sa contemporanéité semble être ce qui interessa la metteuse en scène. Elle choisit ainsi de transposer l’œuvre dans l’univers de la jetset de notre fin de vingtième siècle, grâce au très beau décor d’Emmanuelle Favre repris par Anaïs Favre. L’appartement de Violetta, agrémenté d’un bassin et de meubles en plastique, ouvre ici sur une ville en contrebas. Les costumes de Arianna Fantin semblent aussi tous sortis de défilés de mode récents. Autant les décors que les costumes suivent fort intelligemment l’évolution de la maladie de Violetta en devenant d’abord pâles au deuxieme avant de finir en noir et blanc au dernier acte.
Si cette idée, comme plusieurs autres, est visuellement fort intéressante, l’orientation de la mise en scène ne cesse d’interroger. Ainsi elle met constamment en parallèle par des petites scènes avant les actes, interrompant ainsi le fil narratif et musical, par d’autres en fond durant les actes et enfin, par des liens entre les personnages, le destin de la soeur d Alfredo avec celui de Violetta indiquant ainsi que le mariage est une forme socialement plus acceptable de la prostitution. Si effectivement un des moteurs de l’opéra est bien le mariage de Madame Germont fille et la bonne réputation de la famille Germont, ce personnage n’est que mentionné par Giorgio Germont durant sa rencontre avec Violetta. Rien ne dit que son mariage doit être defacto malheureux. Cette surimpression du mariage comme une forme avancée de la prostitution dans l’opéra est pour le moins osée. Tous les mariages n’étant pas forcément imposés et pourquoi celui-ci le serait-il plutôt qu’un autre.
Biennale de la musique belge rassemblant les musiciens des trois régions (et trois communautés, et dix provinces, et cinq cent quatre-vingt-une communes) dans une vitrine de la création des musiques enseignées dans les conservatoires, les Belgian Music Days, après Louvain, Mons et Eupen, sont cette année hébergés à Bruxelles, dans les salles de Bozar et du Conservatoire royal de Bruxelles. Alors que la ville bruisse des conversations sur les fusillades à répétition qui embrouillent le quartier de la Porte de Halle, ces cinq jours culminent avec le concert du Belgian National Orchestra le soir du jeudi, dans la salle Henry Le Bœuf où l’ensemble, sous la direction de Jac van Steen et avec le concours du Chœur de l’Institut supérieur de musique et de pédagogie de Namur, s’attaque à un programme qui mêle les origines, les esthétiques et les générations –c’est, par essence, un signe distinctif des BMD.
Jeudi, c’est apogée
Je découvre (on a toujours à apprendre) le compositeur flamand Wim Henderickx (1962-2022), disparu brutalement il y a peu dans sa soixantième année, avec une des trois créations de la soirée : outre son intérêt pour la sonologie qu’il assouvit à l’Ircam, il fréquente les conservatoires d’Anvers et de La Haye et intègre volontiers dans son travail des éléments de musique et philosophie orientales : dans La Visioni di Paura, aux origines à chercher dans Inferno, un tableau (partie d’une série de quatre) de Jérôme Bosch, peintre, au pinceau à la satire morale, d’un enfer qui se donne des airs de paradis, le compositeur fait entendre, nourri des bombes de la guerre du Golfe, qui débute alors qu’il écrit sa pièce, ses visions (poétiques) de la peur, dans des poussées sonores parfois agressives et d’une énergie cinglante.
Sa musique est prenante, sa personnalité est touchante ; c’est l’émotion qui la guide (et elle le lui rend bien), même si la raison ordonne et structure une trajectoire (celle de son court mais déjà dense parcours, et celle de ses pièces) où Apolline Jesupret (1996-) s’efforce de prendre les choses, les bonnes, les douloureuses, comme elles surgissent et quand elles surviennent. Alors que sort une première monographie chez Cypres, c’est Bleue, sa première partition pour grand effectif que l’orchestre crée ce soir : bleue comme l’eau, bleue comme l’air humide (comme des vapeurs de sel), aux textures fluides, charmeuses, qu’on voit venir sans les sentir passer, qui vous effleurent et font songer, striées de scintillements de sons -comme les poissons lancent la lumière de leurs écailles-, et bleue comme le rouleau du surfeur qui s’y engouffre –quand les notes, d’abord déviantes, se heurtent de front, avec l’entêtement brutal de l’obstiné, contre le mur- et puis, cette fin-surprise, en tire-bouchon, en queue de scorpion.
Franz Schubert (1797-1828) : quatuor à cordes D.810 “Der Tod und das Mädchen” ; Franz Schubert (1797-1828) / Jean-Luc Fafchamps (né en 1960) : Erster Verlust, Dass sie hier gewesen, Gretchen am Spinnrade, Du Bist die Ruh, Abendstern, Nur wer die Sehnsucht kennt, Wandrers Nachtlied. Quatuor Alfama, Albane Carrère, mezzo-soprano. 2017 et 2018-Livret en français et anglais-58’42-Cyprès CYP 4653
Le festival de l’OPRL « Storytelling » s’est ouvert dans la Salle académique de l’Université de Liège en petit comité avec la mezzo-soprano Albane Carrère et le quatuor à cordes Alfama. Au programme de ce concert de midi, 3 œuvres de musique de chambre au style varié : Il Tramonto de Respighi, l’Andante con moto du quatuor à cordes La jeune fille et la mort de Schubert (D.810, deuxième mouvement) et le cycle de lieder Envie de nostalgie – randonnée avec Schubert qui comporte des arrangements de lieder de Schubert et deux compositions personnelles du compositeur belge Jean-Luc Fafchamps.