A Genève, l’OSR accueille un pianiste époustouflant : Dmitry Shishkin

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Sous le titre ‘Fête orchestrale’, l’Orchestre de la Suisse Romande inscrit son troisième concert de la saison que dirige Jonathan Nott. Le programme commence par l’Ouverture qu’Hector Berlioz élabora en 1838 pour son opéra en trois actes Benvenuto Cellini. C’est du reste la seule page qui eut du succès lors de la création du 10 septembre 1838 à l’Opéra de Paris (Salle Le Peletier). Avec un rare brio est enlevé l’Allegro initial qui bute sur le pizzicato claudicant des cordes graves évoquant la venue du Pape Clément VII dans l’atelier du sculpteur. La sérénade à Teresa la bien-aimée accorde ici une trop grande présence aux instruments à vent face au cantabile des violons qui manque singulièrement de soyeux. Le développement équilibre davantage les forces en présence avant de conclure par la citation triomphante du thème papal.

Paraît ensuite un jeune pianiste russe de trente ans, Dmitry Shishkin, premier prix du Concours de Genève en 2018 et médaille d’argent au Concours Tchaïkovski de juin 2019. Avec une maîtrise technique sans faille et une sonorité racée, il est le soliste d’une page peu connue, les Four Parables pour piano et orchestre du compositeur américain Paul Schoenfield, écrites durant les années 1982 et 1983. La première de ces paraboles, Rambling till the Butcher cut us own, baigne dans une atmosphère énigmatique que produit l’incantation de la clarinette sur un canevas des bois et cordes. Par une cinglante déflagration, le piano fait son entrée en une série de traits à l’arraché qui finit par céder du terrain à un substrat mélodique jazzy. Senility’s Ride a un caractère rhapsodique avec les trompettes en sourdine pimentant le slow du solo qui s’intensifie rapidement pour se lancer dans un fox-trot étourdissant. Comme désemparé, le violoncelle expose une Elegy que les cordes amplifient et que le piano ornemente par des bribes de gospel songs. Le Final, Dog’s Heaven, est une débauche de rythmes et de teintes fortes exigeant du soliste une virtuosité à toute épreuve. Au public qui l’applaudit avec transport, Dmitry Shishkin offre deux bis effarants, l’Alla Turca de Mozart revisité par Arcadi Volodos et la Sixième des Soirées de Vienne de Schubert transcrites par Liszt. 

La seconde partie comporte en premier lieu Jeu de cartes, ballet en trois donnes écrit en 1936 par Igor Stravinsky pour l’American Ballet et son directeur artistique George Balanchine et créé au Met de New York le 27 avril 1937 sous la direction du compositeur. Sous la direction de Jonathan Nott, la première peine à se mettre en place avec une mollesse de lignes que les bois tentent de rigidifier. Puis le déséquilibre entre les vents omniprésents et les cordes trop faibles émoussent les contrastes de coloris en une lecture généraliste qui demande à être peaufinée. Faisant partie du répertoire habituel de l’OSR, La Valse de Maurice Ravel bénéficie d’un judicieux étagement des plans sonores s’ouvrant avec la phrase enivrée des premiers violons que tempère le rubato des bois. L’enlacement des divers motifs produit le brassage kaléidoscopique amenant cette apothéose qui fait immanquablement effet sur les spectateurs conquis.

Genève, Victoria Hall, le 1er novembre 2023

Paul-André Demierre

Crédits photographiques : Diana Guledani

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