Récital de Samuel Hasselhorn au Festival Beethoven à Varsovie
Ce jeudi 17 avril a lieu le récital de Samuel Hasselhorn. Le baryton allemand, primé lors de la dernière cérémonie des ICMA pour son album « Urlicht - Songs of Death and Resurrection », est accompagné par le pianiste autrichien Joseph Breinl. Ensemble, ils présentent un programme mêlant le romantisme dense de Robert Schumann à la modernité visionnaire de Gustav Mahler.
La première partie du concert est entièrement consacrée à Schumann. Elle débute avec deux lieder isolés : Tragödie, extrait de l’Opus 64, d’une sobriété douloureuse, puis Belsazar, Op. 57, dramatique ballade biblique où Samuel Hasselhorn déploie une ampleur vocale saisissante. L’interprétation est habitée, presque théâtrale, sans jamais verser dans l’excès. La diction, d’une clarté remarquable, met en valeur la tension tragique du texte, tandis que Joseph Breinl installe avec précision le climat sombre de cette miniature dramatique.
Vient ensuite le cycle Zwölf Gedichte von Justinus Kerner, Op. 35. Ces douze lieder, écrits sur les poèmes du médecin et écrivain romantique, explorent toute une gamme d’émotions : solitude, mysticisme et espoir fragile. C’est une œuvre de maturité, où Schumann livre une musique souvent épurée, à la frontière du silence. Hasselhorn s’y montre extrêmement nuancé, jouant avec les couleurs du timbre et les respirations du texte. Breinl, en partenaire idéal, soutient cette expressivité avec une sensibilité musicale de tous les instants. Certains lieder comme Stirb, Lieb’ und Freud’ ou Stille Liebe sont de véritables joyaux de recueillement, où le chant se fait presque murmure.
Après l’entracte, le duo s’engage dans un tout autre univers avec Gustav Mahler. Le programme débute par Urlicht, ce lied d’une simplicité bouleversante issu des Des Knaben Wunderhorn. Hasselhorn y incarne une foi candide, presque enfantine, dans une lumière rédemptrice au-delà de la souffrance. Puis vient Revelge, avec ses rythmes martiaux et son ironie grinçante. Ici, le chanteur joue pleinement le rôle du narrateur halluciné, emporté dans une marche absurde vers la mort. Le piano de Breinl, percussif et dramatique, donne tout son relief à cette fresque hallucinée.
Enfin, les Rückert-Lieder viennent clore la soirée dans une atmosphère d’introspection raffinée. Ces cinq lieder témoignent de l’art mahlérien dans ce qu’il a de plus personnel, de plus intérieur. Hasselhorn y fait preuve d’une maîtrise remarquable : Ich bin der Welt abhanden gekommen notamment, est chanté avec une retenue poignante, suspendue dans le temps. Breinl, tout en délicatesse, tisse une toile sonore qui laisse la voix respirer, rêver, disparaître presque.
Le public ne s’y trompe pas : l’ovation finale rend hommage à un récital d’une grande intensité, servi par deux musiciens totalement investis. Samuel Hasselhorn confirme ce soir sa stature d’interprète confirmé, alliant intelligence musicale, engagement émotionnel et présence scénique. Quant à Joseph Breinl, il est bien plus qu’un accompagnateur : un véritable poète du clavier, capable de dialoguer avec la voix dans une parfaite osmose.
Samuel Hasselhorn et Joseph Breinl nous proposent deux bis. Bien que ce soit difficile de trouver une pièce après de tels Rückert-Lieder, ils ont opté pour un style totalement différent avec un lied de Schubert, Der Musensohn, ainsi qu’un lied de Schumann, Dein Angesicht. Cela clôture en beauté ce récital de grande qualité.
Varsovie, la Philharmonie, le 16 avril 2025
Thimothée Grandjean, Reporter de l’IMEP
Crédits photographiques : Bruno Fidrych