A Genève, un Bruckner captivant
Sous un bien curieux titre, Charme autrichien, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande juxtaposent une œuvre célèbre de Mozart, le Concerto pour clarinette et orchestre, et l’une des symphonies les moins connues de Bruckner, la Deuxième en ut mineur, pour un programme présenté à Genève, Lausanne et Fribourg.
Dans le K.622 en la majeur, le soliste est Martin Fröst, l’artiste en résidence de cette saison 2023-2024. Aux premières mesures du tutti, le chef confère un certain allant en nuançant un phrasé que le clarinettiste prend à son compte afin de privilégier la poésie à l’encontre d’une patine brillante, tout en instillant d’infimes demi-teintes dans un cantabile qui sollicite les graves du registre, tout en allégeant les fins de phrase. L’Adagio étire les lignes en une sonorité magnifique qui s’amenuise en un pianissimo intériorisé pour la cadenza et le da capo du motif initial, alors que le Rondò final tient du badinage désinvolte qui se joue des sauts de tessiture avec une aisance confondante. Armé du même brio, Martin Fröst propose, à titre de bis, une improvisation de son cru qui met en valeur les ressources infinies de son instrument.
En seconde partie, Jonathan Nott présente la Deuxième Symphonie en ut mineur d’Anton Bruckner dans la version définitive de 1877 rétablissant les coupures opérées dans les remaniements précédents. Dans le Moderato initial, il met en valeur le cantabile des violoncelles, tout en laissant poindre les appels de cor qui imposent un lyrisme radieux que nuanceront les autres cordes en usant de brèves suspensions de phrase. Le développement lui insufflera une charge pathétique que la coda amplifiera par de triomphants éclats. L’Adagio affiche ici la sérénité bucolique d’un andante acquérant une majestueuse grandeur grâce au motif de choral du cor solo s’appuyant sur le pizzicato des cordes. Par la nervosité de ses élans, le Scherzo est apparemment exubérant, même si le trio y instille une note de tendresse rêveuse, tandis que le Final exploite la générosité de la veine mélodique avec son brassage de thèmes, afin de parvenir à une coda grandiose que le public applaudit à tout rompre. Un fort beau concert !
Genève, Victoria Hall, le 13 mars 2024
Crédits photographiques : Magali Dougados