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A Genève, un Bruckner captivant

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Sous un bien curieux titre, Charme autrichien, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande juxtaposent une œuvre célèbre de Mozart, le Concerto pour clarinette et orchestre, et l’une des symphonies les moins connues de Bruckner, la Deuxième en ut mineur, pour un programme présenté à Genève, Lausanne et Fribourg. 

Dans le K.622 en la majeur, le soliste est Martin Fröst, l’artiste en résidence de cette saison 2023-2024. Aux premières mesures du tutti, le chef confère un certain allant en nuançant un phrasé que le clarinettiste prend à son compte afin de privilégier la poésie à l’encontre d’une patine brillante, tout en instillant d’infimes demi-teintes dans un cantabile qui sollicite les graves du registre, tout en allégeant les fins de phrase. L’Adagio étire les lignes en une sonorité magnifique qui s’amenuise en un pianissimo intériorisé pour la cadenza et le da capo du motif initial, alors que le Rondò final tient du badinage désinvolte qui se joue des sauts de tessiture avec une aisance confondante. Armé du même brio, Martin Fröst propose, à titre de bis, une improvisation de son cru qui met en valeur les ressources infinies de son instrument.

A l’OSR, une création de Michael Jarrell  

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Sous le titre ‘Première Mondiale’, l’Orchestre de la Suisse Romande a ouvert sa saison 2023-2024 au Victoria Hall de Genève le 4 octobre dernier. Effectivement, ce premier concert comportait une création du compositeur en résidence Michael Jarrell, interprétée par l’artiste en résidence, le clarinettiste suédois Martin Fröst.

Emanant d’une commande de l’OSR associé aux orchestres du Capitole de Toulouse, de Tokyo et de São Paulo, Passages est donc un concerto pour clarinette et orchestre à très large formation qui commence par un solo développé comme une incantation sur un canevas mystérieux innervé de brèves figures mélodiques qui se condensent pour parvenir à un premier tutti. L’instrument soliste produit alors des formules interrogatives qui en viennent à exacerber le discours. Mais un duetto avec la harpe sert d’accalmie avant une montée en puissance entraînant de cinglantes déflagrations qu’atténuera le glockenspiel pour faire place à une séquence méditative conçue comme un andante rasséréné. Les cuivres menaçants suscitent une suite de trilles de la clarinette ramenant la lumière sur un final dont Martin Fröst accentue l’éclat par des traits échevelés d’une virtuosité ahurissante sur l’ensemble de la tessiture. Devant le succès remporté par cette création, succès qui émeut profondément le compositeur, le clarinettiste fait appel à Jonathan Nott et à l’Orchestre afin de proposer en son honneur un bis qui est une brève page écrite par son frère, Göran Fröst, et intitulée Klezmer Dance n.2, éblouissante démonstration de la maestria du soliste.

Martin Fröst, artiste de l’année des International Classical Music Awards 2022 

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Le jury des International Classical Music Awards  a décerné le prix de l'Artiste de l'année 2022 au clarinettiste et chef d'orchestre suédois Martin Fröst pour sa carrière mondiale innovante, son impressionnante discographie et sa philanthropie. Alexandra Ivanoff, du média hongrois Papageno, a réalisé cet entretien avec le musicien

Que signifie pour vous le prix de l'artiste de l'année des International Classical Music Awards  ?

Cela signifie beaucoup, parce que l'histoire des représentations et des enregistrements est très spéciale dans la vie des musiciens. Et je pense que dans mon cas, il y a toujours eu un équilibre intéressant, parce que je voulais rendre le répertoire de base aussi bon que possible -quelque chose qui m'a toujours obsédé. En même temps, j'étais attiré par l'idée de développer quelque chose de nouveau dans la musique classique, de la présenter sous de nouvelles formes et d'enregistrer de la musique nouvelle. J'ai attendu longtemps avant de sortir des sentiers battus ; c'est pourquoi j'ai un catalogue d'enregistrements assez varié. C'est une partie importante de ma vie, surtout lorsque je propose des enregistrements de Messiaen, de Vivaldi, et des albums qui sortent des sentiers battus comme "Roots" et de "Night Passages". Ce sont  des disques si différents les uns des autres. Alors maintenant, je pense que je fais vraiment ce que je crois être mon meilleur travail.

Comment ces deux années de chaos covidien ont-elles affecté votre réalité et votre vision de l'avenir ?

Je dois être honnête avec vous, j'ai un problème d'oreille interne, une inflammation qui s'appelle la maladie de Ménière. C'est comme un vertige, un problème d'équilibre qui va et vient par épisodes. Tous les deux ans, j'avais un épisode : vous êtes totalement déséquilibré, vous perdez l'ouïe, vous êtes par terre avec des nausées, et le monde entier tourne autour de vous ! Mais, après ne pas l'avoir eu pendant quelques années, je ne l'ai eu que pendant six ou sept mois d'affilée pendant la pandémie. J'ai donc été alité pendant longtemps et je n'ai pas donné de concerts pendant cette période. D'une certaine manière, cela tombait bien, car je n'ai pas eu à annuler quoi que ce soit. Je me débats [encore] avec cela ; parfois, j'ai des malaises pendant un mois ou six mois, puis je suis à nouveau équilibré. Mais je suis toujours créatif, que je donne des concerts ou non. Pendant cette période, je souffrais donc davantage pour mes collègues, pour les danseurs et les acteurs, pour les techniciens et toutes les personnes liées aux arts qui ont vraiment souffert. J'ai souffert d'autres choses, mais pas tellement de la pandémie. J'ai pu rencontrer mon orchestre, et je leur ai dit et redit que cette époque allait apporter un changement. Ne vous préparez pas à revenir [à la situation antérieure] après trois semaines ou un mois ; nous devons nous forcer à ouvrir une nouvelle porte vers l'avenir. 

Le monde mystérieux des concertos de Bent Sorensen

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Bent SORENSEN (1958) : Concerto pour piano et orchestre « La Mattina » ; Serenidad, pour clarinette et orchestre ; Concerto pour trompette et orchestre. Leif Ove Andsnes, piano ; Martin Fröst, clarinette ; Tine Thing Helseth, trompette ; Orchestre de chambre norvégien, direction Per Kristian Skalstad ; Orchestre symphonique national danois, direction Thomas Sondergard. 2020. Livret en anglais et en danois. 56.59. Dacapo 8.226095.

A Genève, un Philharmonique de Stockholm éblouissant

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Pour trois concerts à Zürich, Genève et Lucerne, le Service Culturel Migros invite l’Orchestre Philharmonique Royal de Stockholm sous la direction de son chef attitré, Sakari Oramo.

Comme clin d’œil au public helvétique, le programme débute par une page d’un Zürichois, Rolf Liebermann qui, selon l’adage « Nul n’est prophète en son pays », a fait sa carrière de directeur de théâtre à Hambourg et à Paris. Son Furioso, écrit en 1945, créé par Hermann Scherchen deux ans plus tard puis présenté avec succès au Séminaire de Musique Contemporaine de Darmstadt, est proprement effarant. En huit minutes, le piano donne la cadence en martelant avec véhémence une envolée virtuose du tutti scandée par des motifs « jazzy », avant que ne se développe une section lyrique où la flûte dialogue avec le cor anglais ; et c’est la reprise des divers thèmes qui amènera une brillante conclusion.