A Genève, une création de Wolfgang Rihm 

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Une création constitue un fait plutôt rare dans la programmation du Service Culturel Migros. Néanmoins, ceci advient cette semaine avec les trois concerts donnés à Genève, Zürich et Berne par l’Orchestre de Chambre de Bâle dirigé par Sylvain Cambreling avec la jeune violoncelliste Sol Gabetta en soliste. Et c’est du reste à son intention que Wolfgang Rihm a composé son concerto qu’il a intitulé avec humour Concerto en Sol en déclarant : « Je me suis représenté sa clarté, son aura positive en écrivant ». Il pousse l’ironie jusqu’à faire jouer par les vents les notes voisines, fa dièse et la bémol, avant de parvenir au sol donné en pizzicato au début du solo. Il va même encore plus loin en glissant le nom Gabetta dans l’œuvre grâce à la désignation allemande des notes qui correspondent à sol, la, si bémol, mi, ré, la, quitte à remplacer le ‘t’ par un ‘d’. Mais au-delà de ce jeu de piste, l’ouvrage impressionne par le lyrisme serein que chante le violoncelle avec une intense poésie dans les séquences méditatives ; les tensions dans l’aigu produisent de pathétiques envolées qui se fraient un passage au sein du tutti en développant plusieurs cadences avec force glissandi et trilles. Et le tout se résorbe en une plainte nostalgique empreinte de mystère. Indéniable réussite qu’applaudit le public autant que sa dédicataire au sourire vainqueur !

En préambule, Sylvain Cambreling avait eu la judicieuse idée d’adjoindre le Concerto en ré que Paul Sacher avait commandé en 1946 à Igor Stravinsky pour commémorer le 20e anniversaire de la fondation du Basler Kammerorchester. Les cordes en dégagent la structure du concerto grosso tripartite en opposant les lignes de force de l’ensemble au concertino des premiers pupitres ; les suspensions de phrases et les syncopes du Vivace cèdent rapidement la place à un Arioso qui a la saveur d’une valse aigre-douce que bousculera un Rondò resserrant la texture à un rythme endiablé.

La seconde partie de programme comporte l’une des grandes symphonies de Mendelssohn, la Troisième en la mineur op.56 dite Ecossaise. Dès l’Introduction se révèle un problème d’équilibre : face aux bois par deux, aux quatre cors, aux deux trompettes et timbales trop présentes, le tissu des cordes manque de soyeux et paraît bien mince, notamment au niveau des premiers violons. La baguette du chef recherche la souplesse en alanguissant certains phrasés ; mais l’exagération des accents produit une sécheresse étouffant la veine lyrique qui réussira à affleurer tant bien que mal au début de l’Adagio médian. A cet égard, par ses demi-teintes volubiles, le Scherzo du Songe d’une nuit d’été, donné en bis, paraît bien plus convaincant !

 Genève, Victoria Hall, 20 janvier 2019

Crédits photographiques :  Marco Borggreve

Paul-André Demierre

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