La musique romantique française par Mikko Franck à la Philharmonie du Luxembourg

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Ce dimanche 20 octobre a lieu le concert de l’Orchestre Philharmonique de Radio France à la Philharmonie du Luxembourg. L’orchestre est placé sous la baguette de son directeur musical, Mikko Franck. Hilary Hahn aurait dû prendre part à ce concert mais pour des raisons de santé et sur les conseils de ses médecins, elle a dû annuler la tournée avec la phalange parisienne. La violoncelliste argentine, Sol Gabetta, prend donc la relève pour cette tournée européenne, faisant escale à Luxembourg, de six concerts. La musique romantique française de la deuxième moitié du 19e siècle est mise à l’honneur ce soir avec trois pièces : l’Ouverture Béatrice et Bénédict d’Hector Berlioz, le Concerto pour violoncelle et orchestre en ré mineur d’Édouard Lalo et la Symphonie en ré mineur de César Franck.

Le concert débute avec une ouverture très peu connue de Berlioz : Béatrice et Bénédict. Cette ouverture est le prélude à l’opéra du même nom composé en 1862 par le compositeur français. Pour composer cet opéra comique en deux actes, Berlioz s’est librement inspiré de la pièce « Beaucoup de bruit pour rien » de William Shakespeare. Notons que c’est la dernière production lyrique de Berlioz.

Cette pièce allie à la fois des passages brillants et joyeux à des passages tendres. Cette pièce requiert une grande précision et une délicatesse certaine dans l’interprétation. Pari tenu pour le Philhar et Mikko Franck avec une proposition aboutie et musicale. Pour l’anecdote, c’est la première fois que cette pièce est interprétée à la Philharmonie de Luxembourg. C’est donc une belle découverte pour le public luxembourgeois.

La première partie se poursuit avec le Concerto pour violoncelle et orchestre en ré mineur d’Édouard Lalo. Composé en 1876, ce concerto est créé avec succès en 1877 par son dédicataire, le violoncelliste et compositeur belge Adolphe Fischer. Cette œuvre occupe une place importante dans le répertoire de Lalo, mais aussi dans le répertoire soliste des violoncellistes. 

Le concerto démarre avec une introduction véhémente de l’orchestre avant de laisser place à un récitatif du violoncelle. Le discours de Sol Gabetta est intense. Il s’ensuit un Allegro Maestoso avec deux thèmes très distincts. Le premier est sombre avec des interventions tranchantes de l’orchestre tandis que le second est plus sensible. Cette différence de caractère, nous la retrouvons dans l’interprétation de Sol Gabetta mais aussi de l’orchestre. Le deuxième mouvement débute avec un lyrique Intermezzo. Ce dernier semble assez mélancolique avec le son particulier des cordes jouant avec la sourdine. Le mouvement se conclut avec un Allegro presto, ce qui peut se montrer déroutant pour un mouvement lent de concerto. Cependant, l’orchestration élégante associée à un orchestre avec des cordes soyeuses et une harmonie délicate nous aide très rapidement à reprendre le fil du discours musical. Le dernier mouvement commence avec pour introduction un Andante. Une longue phrase assez mystérieuse est jouée par Sol Gabetta avec le soutien de notes tenues des contrebasses. Un Rondo vif, dansant et rythmique conclut ce concerto. Ce dernier est marqué par un dialogue continu entre la soliste et l’orchestre, Mikko Franck étant le trait d’union entre les deux. Le chef d’orchestre finlandais, très attentif à la soliste, guide avec précision l’orchestre pour l’accompagner de la meilleure des façons.

Sol Gabetta nous propose une interprétation intense alliant virtuosité, technicité et expressivité, le tout avec un orchestre précis et juste dans toutes ses interventions. 

En bis et après avoir été chaleureusement applaudie par le public, nous avons droit au chatoyant Flamenco tiré de la Suite Espagnole N°1 du compositeur catalan Rogelio Huguet Y Tagell. 

Après la pause, place à l’une des symphonies phares du répertoire français : la Symphonie en ré mineur de César Franck. Composée en 1888, cette œuvre à la croisée du style français et du style germanique, est probablement un des exemples les plus probants de l’écriture cyclique du répertoire musical français. 

Le premier mouvement débute avec pour introduction un Lento durant lequel nous entendons le motif principal que Franck réutilise tout au long de la symphonie. Soulignons que ce motif est tiré de la scène 3 de l'acte III de la Walkyrie de Wagner. 

Les cordes graves entament avec solennité cette symphonie. L’Allegro non troppo s’enchaîne immédiatement, laissant place à une longue progression vers ré majeur. Cette progression est parfaitement exécutée par l’orchestre avec un Mikko Franck les guidant avec une grande justesse. Le deuxième mouvement, Allegretto, réunit les deux parties centrales d’une symphonie traditionnelle. Tout d’abord, place au chant plaintif du cor anglais accompagné des pizzicati des cordes avant un scherzo dans un caractère différent. Le choix du tempo n’est pas anodin puisque, contrairement à la plupart des autres versions, Mikko Franck propose une version allant perpétuellement vers l’avant. Le terme « Allegretto » prend ici tout son sens. Le troisième mouvement, récapitulant les thèmes des deux mouvements précédents, conclut triomphalement cette interprétation de la symphonie. 

En conclusion Mikko Franck et l’Orchestre Philharmonique de Radio France nous proposent une version plus que convaincante de cette Symphonie en ré mineur de César Franck. Contrastes, nuances, caractères différents et musicalité sont au rendez-vous pour nous proposer une interprétation de qualité avec des prises de positions claires du chef d’orchestre finlandais. La phalange parisienne se distingue quant à elle avec des cordes au son soyeux et une harmonie dont les différents solos sont joués avec brio.

Le public, enthousiaste, applaudit vivement cette prestation. En bis, nous avons droit à une très belle pièce du compositeur finlandais Heino Kaski : le Prélude en sol bémol majeur Op.7/1.

Luxembourg, Philharmonie, le 20 octobre 2024

Thimothée Grandjean, Reporter de l’IMEP

Crédits photographiques : Sebastien Grebille

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