À Lausanne, une Hélène désopilante, 

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Après avoir ouvert la saison 2019-2020 avec de remarquables Contes d’Hoffmann, l’Opéra de Lausanne affiche, pour les fêtes de fin d’année, La Belle Hélène, afin de commémorer le bicentenaire de la naissance de Jacques Offenbach. Son directeur, Eric Vigié, en commande une nouvelle mise en scène à Michel Fau qui s’entoure d’Emmanuel Charles pour les décors, de Daniel Belugou pour les costumes et de Joël Farbing pour les éclairages. 

Dès le lever de rideau, que de cocasserie avec le temple de Jupin/Jupiter s’encastrant dans les grands boulevards avec leurs immeubles en perspective sur lesquels s’aglutineront les Spartiates en goguette côtoyant une Vénus exhibant ses seins sous ses longs cheveux, un Adonis à peine vêtu d’un pagne, une Léda étreignant son cygne. Hélène fait montre de ses jolis pieds sous une ample crinoline rouge qu’elle troquera contre un truc en plumes à la Zizi Jeanmaire puis un fourreau Chanel noir et blanc sous tiare à aigrettes. Le beau Pâris à crinière blonde arbore la tunique blanche ou bleu ciel, la robe rose d’oracle de Vénus et même les jambières chèvre-pied du satyre se faufilant dans le rêve de la reine en achevant son parcours sous les fanfreluches d’une girl de french cancan, tandis que le décor se métamorphose en rivage de Nauplie avec apparition de la nef en partance pour Cythère. Sous le regard désemparé de Calchas, bardé de rouge sous un impressionnant casque à plumes, le récit mythologique en prend un coup avec la colombe de Vénus se cassant la tête devant les cocottes Parthenis et Loena émoustillant le jeune Oreste devenu preux chevalier, alors que Ménélas, ajustant sa couronne de laurier, enfourche le cheval de Troie pour gagner la Crète.

Pour parler musique, il faut relever d’abord que, pour la première fois, l’on entend, au deuxième acte, un chœur et une romance de Pâris édités récemment par la Fondation du Palazzetto Bru Zane. Et le ténor Julien Dran qui l’interprète révèle un timbre clair à l’aigu facile et une parfaite élocution qui vont de pair avec une composition théâtrale toute en finesse. C’est aussi par sa pétillante incarnation et par son indéniable musicalité que s’impose l’Hélène de Julie Robard-Gendre, même si son émission trop couverte rend son texte difficilement compréhensible. Outre la mise en scène, Michel Fau assume aussi le rôle de Ménélas qu’il ‘chante’ tant bien que mal, ce qui ne dépare en rien son personnage de benêt touchant. Par contre, Jean-Claude Saragosse a l’autorité de Calchas, basse noble face à l’Oreste si dissipé du contre-ténor Paul Figuier et l’Agamemnon cérémonieux de Christophe Lacassagne. Irrésistibles, le bouillant Achille âne bâté de Jean-Francis Monvoisin, et les deux Ajax baudruches casquées de Pierre-Yves Têtu et Hoël Troadec face à la revêche Bacchis de Marie Daher et les délurées Parthoenis et Loena de Laurène Paterno et Béatrice Nani. Et le jeune Pierre Dumoussaud qui dirige le Sinfonietta de Lausanne et le Chœur de l’Opéra de Lausanne (préparé remarquablement par Jacques Blanc) s’ingénie à jouer la carte de l’élégance de ligne tout en imposant une rapidité de tempo qui provoque quelques décalages entre la fosse et le plateau. Mais qu’importe quand l’ensemble du spectacle produit une hilarante gaieté, ô combien appréciable en ces temps moroses !                            

Paul-André Demierre

Lausanne, Opéra, première du 22 décembre 2019

Crédits photographiques :  Alan Humerose

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