Adrianne Pieczonka à propos de Clara Schumann
Nos amis canadiens mobilisent les plus hautes compétences musicales du pays pour un projet qui explore les univers de Robert et Clara Schumann ainsi que de Johannes Brahms autour de l’Orchestre du Centre national des Arts sous la direction d’Alexander Shelley. Ce projet confronte des oeuvres symphoniques avec des lieder et pour cette deuxième étape discographique, la soprano Adrianne Pieczonka est une invitée de prestige. Crescendo Magazine est heureux de s’entretenir avec l’une des plus grandes chanteuses de notre temps.
Vous participez à une série d'enregistrements qui mettent en lumière Robert et Clara Schumann et Johannes Brahms. Si Robert Schumann et Johannes Brahms sont très connus, Clara Schumann est encore très en retrait en termes de notoriété. Est-il important pour vous de participer à ce renouveau de Clara Schumann ?
Il est très important pour moi de participer à la reconnaissance de la musique de Clara Schumann. Jusqu'à ce que je me lance dans ce projet de CD, je n'avais jamais interprété de lied de Clara Schumann, ce qui, pour être honnête, m'embarrasse un peu. Il est important que les lieder et les œuvres vocales de compositrices, vivantes ou décédées, soient plus largement interprétés et appréciés -par les hommes comme par les femmes.
Nous savons que Clara a passé une grande partie de sa vie de femme mariée à s'occuper des besoins de son mari et de ceux de ses huit enfants. Robert lui-même admet que Clara n'a pas pu consacrer suffisamment de temps à la composition en raison de ses obligations familiales. Avoir découvert les lieder de Clara a été un merveilleux cadeau, certainement une lueur d'espoir pendant la période de pandémie.
Quelles sont les qualités musicales des œuvres de Clara Schumann ?
Elles sont souvent comme des petits bijoux ou des gemmes, très douces et touchantes. L'adoration et la dévotion qu'elle vouait à Robert sont évidentes dans le cadre romantique de nombre de ses lieder. Beaucoup d'entre eux ont un aspect de rêve. Plus rare est le lied qui est plus fougueux dans le rythme et l'accompagnement (Lorelei et Am Strande par exemple).
Souhaitez-vous continuer à promouvoir les œuvres de compositrices ?
Oui, j'aimerais ! Mais je suis très heureuse que cette dynamique vers les compositrices soit de plus en plus forte. Prenez par exemple le nouvel enregistrement de la mezzo-soprano canadienne Emily D'Angelo (DGG/2021). Outre le fait qu'il s'agit d'une artiste merveilleuse, ce qui rend le premier CD d'Emily révolutionnaire, c'est que chaque morceau est écrit ou arrangé par une compositrice vivante. Il y a peu, personne n'aurait pris le risque, pour un premier album, de sortir des grands compositeurs populaires avec Verdi, Mozart ou Strauss par exemple. Je suis très impressionnée et enthousiasmée par cette initiative et j'espère qu'elle inspirera d'autres artistes à présenter des œuvres de compositrices.
Votre répertoire vocal est impressionnant et vous chantez les grands rôles pour votre voix. Avez-vous des défis futurs à relever en termes de nouveaux rôles ?
J'ai chanté tant de rôles merveilleux en trois décennies et je suis très satisfaite de mon répertoire actuel. J'avais récemment envisagé de tenter Isolde, mais je me rends compte que cela ne se fera probablement pas. Je n'ai pas de regrets !
L'enseignement occupe une grande place dans vos activités, vous enseignez au Royal Conservatory of Music de Toronto et vous donnez régulièrement des master classes dans le monde entier. Pourquoi l'enseignement est-il important pour vous ?
J'ai eu la chance d'avoir de merveilleux professeurs de chant qui m'ont inspirée et encadrée durant les différentes phases de ma formation et de ma carrière. J'ai toujours su que je voulais "donner en retour" aux jeunes chanteurs et partager mon expérience et mon art avec eux. Cela m'apporte beaucoup de joie et de satisfaction.
Vous avez enregistré avec la grande Edita Gruberova, récemment décédée. Quel souvenir gardez-vous de l'art de cette grande chanteuse ?
Chanter avec Edita a toujours été très spécial. J'ai chanté ma toute première Ariadne auf Naxos avec Edita (en tant que Zerbinetta) en 2002 au Teatro Liceu de Barcelone et j'ai eu l'honneur de chanter Ariadne lors de son spectacle d'adieu en tant que Zerbinetta à l'Opéra d'État de Vienne en 2005. Nous avons enregistré Die Fledermaus ensemble à Budapest, ce qui a été très amusant. Son incroyable talent artistique au cours de plusieurs décennies, sa dévotion à son métier et sa bonne humeur m'ont fait une grande impression.
Le site d'Adrianne Pieczonka : www.adriannepieczonka.com
- A écouter :
Clara - Robert - Johannes : Échos lyriques. Oeuvres de Clara Schumann | Robert Schumann | Johannes Brahms. Adrianne Pieczonka, Liz Upchurch, Orchestre du Centre national des Arts du Canada | Alexander Shelley. 1 CD Analekta
Crédits photographiques : Bo Huang