"ÆTERNUM" Hommage personnel à Bach et à Beethoven

par

J.S.Bach (1685-1750) Prélude & Fugue BWV 541, BWV 542, BWV 543 Toccata & Fugue BWV 565 ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n°5 en ut mineur, Op.67. Eliane Rodrigues - piano​. 2020-Livret en anglais-71’59’’. Novana Records. NF 6285

Eliane Rodrigues poursuit ses explorations discographiques. Son dernier album intitulé "ÆTERNUM", latin pour éternel, rend un hommage à Ludwig Van Beethoven, jubilaire de cette année, et à Jean-Sébastien Bach. Mais l’originalité vient des oeuvres proposées qui sont des transcriptions personnelles de la pianiste. 

Les Préludes & Fugues BWV 541, 542 et 543 ainsi que la Toccata et Fugue en ré mineur BWV 565 sont écrits pour l'orgue. Ces oeuvres sont brillantes et virtuoses, marquées d'un esprit de libre improvisation. Rodrigues utilise cet esprit d’improvisation, qui est à la base de tant de partitions de Bach, pour créer sa vision du compositeur. Dans ses transcriptions, elle utilise ses propres idées pour recréer l’univers musical, ce qui lui permet d'allier la musique de Bach aux pratiques et à la connaissance du répertoire acquises au cours de sa carrière.

Chez Bach, pour Rodrigues, la danse et la musique coïncident, sont inséparablement liées, et c'est précisément cet enchevêtrement qui rend son interprétation si intéressante. Le piano Fazioli est magnifié par une prise de son démonstrative et Eliane Rodrigues nous séduit par son interprétation et ses intuitions convaincantes.

Petit retour aux sources car c'est lors du Concours Reine Elisabeth, en 1983, que la pianiste d'origine brésilienne avait conquis le public avec son interprétation inoubliable du Concerto n°4 de Beethoven. De cette symphonie n°5 de Beethoven, on connaît la transcription de Franz Liszt, selon la pratique des réductions usuelles à une époque où les transcriptions permettaient au public de découvrir des oeuvres. Même à notre époque, cette transcription lisztienne reste de temps à autre pratiqué : si Glenn Gould en a donné une lecture légendaire, d’autres musiciens comme Paul Badura Skoda, Cyprien Katsaris, Konstantin Sherbakov, Yuri Martynov ont pratiqué au disque cette relecture.  

Eliane Rodrigues propose sa propre transcription, librement inspirée de celle de Liszt. Son arrangement semble plus libre, dans une optique romantique qui évoque Brahms. On pointe aussi une abondance de rubato typique de la fin du XIXe siècle, conduisant la musique à une frénésie impressionnante. Beethoven était connu pour son style de jeu puissant et il aurait certainement approuvé cette approche. L'architecture de la symphonie devient claire et l'entrelacement des thèmes prend une nouvelle texture.

On peut toutefois se poser la question de l'intérêt de jouer, de nos jours, cette symphonie au piano solo alors qu'il y a tant d'enregistrements exceptionnels disponibles avec les meilleurs orchestres du monde, dirigés par les plus grands chefs… Mais avec la crise liée à la pandémie du Covid et la difficulté qu'il y aura à organiser des concerts symphoniques dans les mois à venir, ces transcriptions pourraient retrouver un intérêt. Dans ce cadre, cette version pourra assurément être jouée en public et ravir les mélomanes.

Carlo Schreiber

Son 9 - Livret 8 - Répertoire 9 - Interprétation 9

 

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