Alexander Boldachev, harpiste d’ouvertures 

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Virtuose accompli de la harpe, Alexandre Boldachev fait l’évènement avec un inattendu album Chopin qu’il mène depuis son instrument. Crescendo Magazine rencontre ce musicien hors normes qui se complait dans les frontières des styles et des genres. 

Votre nouveau disque est dédié à Chopin. C'est un choix très surprenant pour un harpiste. Quelles sont les motivations qui sous-tendent ce projet musical ? 

Ma principale motivation était de créer un nouveau son. Le son est un aspect central car la composition n'est qu'un matériau. J'aime Chopin et sa musique était en résonance avec mon monde. J'aime écouter comment les pianistes mettent leur énergie dans les Mazurkas et les Nocturnes. Au fur et à mesure, les idées se sont décantées dans mon esprit et je me suis dit que le concept de cet album valait la peine d'être essayé. Dernier argument, et non des moindres : Chopin a toujours été décrit comme un pianiste avec une touche de "harpe" et sa musique est pleine de lumière et de transparence...N’oublions pas non plus que sa chère George Sand jouait de la harpe. Toutes ces combinaisons m'ont entraîné vers ce projet. 

L'œuvre de Chopin est quantitativement importante. Comment avez-vous choisi les partitions présentées sur cet album ? 

J’ai parcouru tous les opus et j'ai pris ceux qui sont "sous les doigts". C'était un moment amusant et cela m'a donné une vision complète des œuvres de Chopin. J'aime aussi raconter des histoires et je ne peux pas ouvrir toutes les portes, sinon, ce ne serait pas intéressant. Mais les auditeurs de l'album peuvent trouver les chemins subjectifs qui ont guidé mon choix. N'est-ce pas un moment de bonheur pour chaque artiste ?

Comment transposez-vous à la harpe le son du piano et la modernité de la composition de Chopin ? 

Je n’ai strictement rien modifié, transcrit ou arrangé car la musique de Chopin est immortelle. Vous pouvez tout comprendre et le traduire pour les auditeurs, en n'utilisant rien de plus qu'une atmosphère. Dès lors, je n'ai littéralement pas changé une seule note. Une seule composition -la Fantasie Impromptu, a déjà été arrangée par Wilhelm Posse. Mais il était presque contemporain de Chopin. Nous pouvons la nommer “transcription orthodoxe”. 

Dans le livret, vous mentionnez vos interprètes préférés de Chopin : Michelangeli, Horowitz et Pollini. Ce sont des musiciens très différents : Michelangeli est toujours très poétique, Horowitz est puissant et virtuose, tandis que Pollini est plus intellectuel. Qu'est-ce qui vous attire chez ces trois pianistes ? 

Exactement, vous avez tout à fait saisi l'idée. Si je rate quelque chose d'une interprétation, je passe à une autre. Il n'y a jamais d’histoire complète. L'interprétation, c'est l'univers intérieur d'un musicien en particulier. Les différentes interprétations sont une ronde éternelle d'inspirations et de réflexions. Tous ces artistes sont mes héros, mon point d'inspiration et j'espère vraiment que mon interprétation inspirera quelqu'un d'autre.

Mais d'un autre côté, je ne peux pas mettre d'étiquette sur un artiste. Oui, Horowitz pouvait être puissant, mais pas toujours, surtout pas dans Chopin. Pollini montre son sens de la musique, mais la façon poétique de Michelangeli est beaucoup plus intellectuelle pour moi parce qu'elle a beaucoup plus de fond. Ce sont peut-être des définitions trop strictes mais la prochaine fois que j'écouterai ces artistes, je changerai peut-être d'avis. 

Vous êtes aussi compositeur. Chopin vous inspire-t-il pour vos propres créations ? 

Je peux déjà vous confier que mes compositions figureront sur mon prochain album. Il s'agit pour moi d'atteindre à chaque fois de nouveaux horizons : le disque "Frédéric" a pour ambition de faire sortir la harpe du répertoire auquel nous sommes tous habitués. Mes propres œuvres sont évidemment influencées par des cercles d'intérêts musicaux. Est-ce que le génie de Chopin m'influence ? Indubitablement oui ! Mais il en va de même de Debussy, Stravinsky ou même de Queen. Sans faire abstraction de ce qui nous construit en tant qu'humain : les sentiments et notre histoire familiale comme mon premier et mon dernier amour, mes parents et mes grands-parents… Je me sens aussi sous l’influence de paysages comme les vents de Cappadocia ou les chutes d’eau du Canada. C'est ce que nous appelons la vie ! Chopin me semble le musicien qui pourrait décrire la vie de la façon la plus compréhensible et la plus proche des gens.

Pouvez-vous imaginer de poursuivre cette exploration avec votre harpe d'autres grands compositeurs pour piano : Beethoven, Schubert, Brahms, Debussy ? 

Chaque jour, je lis, j'apprends, je joue. Les œuvres de Glass, Debussy, Brahms, Pärt, Purcell, Sibelius me séduisent en ce moment. J'aime la diversité de ces expériences et je les porterai sur un album quand elles auront déjà vieilli. Un peu comme un bon vin qui arrive à maturité. 

La harpe est un instrument qui donne de la liberté et j’en ressens une sorte de “super pouvoir”. Et, comme vous le savez, un grand pouvoir entraîne une grande responsabilité. Alors mes rêves deviendront réalité.

Le site d'Alexandre Boldachev :www.alexanderboldachev.com

  • A écouter : 

Frédéric Chopin (1810-1849)  :  Mazurkas - Nocturnes- Valses. Alexander Boldachev, harpe 2020 - Livret en anglais et en français - 47'58 Calliope. CAL2083

 

 

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

Crédits photographiques  : Alexander Boldachev / DR

 

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