Anna Fedorova et l’Orchestre national de Metz Grand Est au Namur Concert Hall
Ce jeudi 23 janvier a lieu le concert de l’Orchestre national de Metz Grand Est au Namur Concert Hall. L’orchestre est placé sous la direction de la cheffe d’orchestre sud-coréenne Shi-Yeon Sung. La pianiste ukrainienne Anna Fedorova est la soliste du soir. Trois œuvres sont au programme de cette soirée : Ciel d’hiver de Kaija Saariaho, le Concerto pour piano N°1 en si bémol mineur de Tchaïkovski et les Danses symphoniques de Rachmaninov.
Le concert débute avec une pièce de la compositrice finlandaise Kaija Saariaho : Ciel d’hiver (2013). Cette pièce, atmosphérique et introspective, est un arrangement du deuxième mouvement de sa pièce orchestrale Orion. Le public est plongé dans une expérience où la perception du temps est illusoire. En effet, le silence et la couleur sonore occupent une place centrale dans cette œuvre. L’interprétation de l’orchestre, à travers des textures subtiles et des nuances assez délicates, évoque la tranquillité et la profondeur de l'hiver, avec une sensation de suspension dans le temps. L'œuvre explore également les contrastes entre le calme et la tension, nous invitant à une méditation sonore.
Après cette délicate entrée en matière, place au Concerto pour piano N°1 de Tchaïkovski. Cette œuvre, à la fois majestueuse et émouvante, est sans conteste l'un des concertos les plus emblématiques du répertoire pianistique. Ce concerto est caractérisé par une écriture pianistique brillante et une orchestration riche, bien que cette dernière peut parfois porter préjudice à l’interprétation de la pièce. Au piano, nous retrouvons la pianiste ukrainienne Anna Fedorova, célébrée comme une étoile internationale.
Le premier mouvement débute avec l’entrée spectaculaire des cors. En revanche, lorsque le piano entre en jeu, on ressent une légère déception. L’intensité qu’on attend semble quelque peu atténuée. Le piano manque légèrement de projection sonore et le clavier ne semble pas toujours offrir la clarté et la définition nécessaires pour un jeu pleinement transparent. Cet instrument paraît moins adapté à un répertoire aussi exigeant que le concerto de Tchaïkovski, qui demande une certaine puissance et une résonance particulière. Néanmoins, il est évident qu’Anna Fedorova fait preuve d’une grande musicalité et d’une virtuosité indéniable.
Cela dit, il y a des problèmes d’équilibre au sein de l’orchestre (pas assez de basses par exemple) mais aussi avec la soliste. Dans les passages grandioses où piano et orchestre jouent ensemble, il nous arrive de perdre le piano, noyé dans la masse sonore de l’orchestre. Certes l’orchestration n’y aide pas, mais les forte et fortissimo de l’orchestre ne sont pas assez contextualisés. Pour finir, il n’y a pas une grande cohésion entre la cheffe d’orchestre et l’orchestre vis-à-vis de la pianiste, ce qui provoque de petits décalages. La prestation est néanmoins chaleureusement applaudie par le public et en bis, nous avons droit à la virevoltante Valse Minute en ré bémol majeur de Chopin.
En conclusion, c’est une bonne interprétation de ce concerto que nous livre l’orchestre avec une Anna Fedorova très talentueuse mais dont l’instrument ne permet pas d’entendre toutes les subtilités de son jeu pianistique. La prestation est néanmoins chaleureusement applaudie par le public. En bis, nous avons droit à la virevoltante Valse Minute en ré bémol majeur de Chopin.
Après la pause, place aux Danses symphoniques de Rachmaninov. Cette pièce majestueuse, emplie de lyrisme et de virtuosité, est un tour de force technique et émotionnel, symbolisant la maturité de Rachmaninov en tant que compositeur. Chaque mouvement évoque des images de danse, allant du lyrisme envoûtant du premier mouvement à l'exubérance rythmique du dernier, en passant par une atmosphère plus sombre et mélancolique dans le second. Cette œuvre, fruit de sa pleine maturité, constitue probablement le portrait le plus authentique que le compositeur russe ait laissé derrière lui.
La phalange messine nous propose une interprétation convaincante de cette pièce. Il y a de beaux contrastes, de la musicalité et une bien meilleure cohésion. Les cordes sont plus homogènes avec des basses plus présentes. Au niveau de l’harmonie, les bois sont d’une grande justesse et font preuve de musicalité dans leurs interventions. Soulignons le très beau solo de saxophone dans le premier mouvement. Ce n’est pas tous les jours que nous pouvons entendre cet instrument en orchestre. Petit bémol en revanche au niveau des cors et trompettes avec des interventions manquant parfois de définition. Le final est grandiose et l’interprétation de cette pièce est incontestablement le meilleur moment de la soirée. Shi-Yeon Sung mène avec une grande clarté l’orchestre. Ses gestes précis permettent d’unir l’orchestre avec des musiciens totalement engagés dans la prestation.
Namur Concert Hall, 23 janvier 2024
Thimothée Grandjean, Reporter de l’IMEP
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