La Passion selon Saint Matthieu au Théâtre des Champs-Elysées
Le Théâtre des Champs-Elysées donna le 16 novembre dernier une représentation de la Passion selon Saint Matthieu de Bach sous la direction de Hans-Christoph Rademann avec le Chœur et l’orchestre du Gaechinger Cantorey. Cet Everest de la musique, contenant aussi bien des parties intimistes comme un solo de violoncelle, que des parties plus expressives comme son ouverture, semble déborder de ses rives, en annonçant l'opéra avec ses parties narratives et même dépasser le genre lyrique avec ses commentaires.
Offrant toutes les faces de ce monument en une version de concert, le Chœur et l’orchestre du Gaechinger Cantorey n’a pas manqué d’intérêt. Cependant ce concert avait aussi ses limites, comme de faire venir les solistes des chœurs à l’avant-scène, ce qui occasionnait des allers-retours gênants surtout sur une scène aussi petite. Mais surtout le manque d’habitation de l’orchestre en première partie -jusqu’à l’arrestation de Jésus- révélait les défauts des solistes. Ainsi le contre-ténor anglais Alex Potter sonnait mielleux et les sopranos assez sèches. De même le Jésus du baryton bas allemand Matthias Winckhler paraissant très sentencieux, y compris dans ses moments les plus humains, comme lorsqu’il reprochait à ses disciples s’être endormis au lieu de rester debout avec lui pendant une heure lui et lorsqu’il demande à son Père de lui éloigner la coupe de mort, avant de se rétracter.
Il fallut attendre la seconde partie du concert, partie durant laquelle Jésus est jugé et que ses prophéties se réalisent, pour qu’une plus grande implication de l’orchestre donne une meilleure vie à l’œuvre et les chanteurs s’enchâssent mieux, le destin de Jesus finissant et ceux ses disciples commençants, dans la trame orchestrale. Le baryton allemand Martin Schicketanz faisant Saint Pierre, très éloigné à la première partie, en devient plus clair. On regrette cependant que le Erbarme dich chanté par le contre-ténor allemand Tobias Knaus sonne si menu voir aigrelet dans les aigus.
De même, les parties concertantes, comme celle pour violon, ou le solo pour violoncelle, montrait là une beauté claire, fraîche et profonde. Nonobstant, la qualité des chœurs de Gaechinger Cantorey durant tout le concert restait admirable. Montrant la palette de ses capacités, tantôt acteur, comme lorsqu’il se fait l’ensemble des prêtres condamnant Jésus, tantôt commentateur, comme au début de chaque scène, il savait être plaintif, sévère, rond ou dur, sans jamais perdre de sa cohésion et de sa mélodicité.
Œuvre polyforme relevant à la fois de l’intime et de l’universel, unissant le personnel à l’histoire, s’adressant aux spectateurs, et, à travers eux, à l’humanité, pour l’accuser de ses péchés qui meurtrirent le Christ, et que pour lui demander de s’expier, la Passion selon Saint Mathieu reste d’une magnificence sans égale, comme l’illustra ce concert au Théâtre des Champs-Elysées.
Paris, Théâtre des Champs-Elysée, le 16 novembre 2024
Andreas Rey
Crédits photographiques : Martin Förster