Anneleen Lenaerts, « Jeune espoir » Klara 2011
Reinhold Glière (1874-1956) : Concerto pour harpe, op. 78
Joseph Jongen (1873-1953) : Concerto pour harpe, op. 129
Joaquin Rodrigo (1901-1909) : Concierto de Aranjuez
Anneleen Lenaerts (harpe), Brussels Philharmonic, dir.: Michem Tabachnik
2014-DDD-67’02-Textes de présentation en français, néerlandais, allemand et anglais-Warner Classics
Prix du « Jeune espoir » Klara en 2011, Anneleen Lenaerts nous revient au disque avec trois œuvres importantes du répertoire de la harpe. D’abord avec Reinhold Glière, dont le Concerto op. 78 requiert une grande maîtrise instrumentale et musicale. A la fin de sa vie, Glière compose quatre concertos (harpe, soprano colorature, violoncelle et cor) pour lesquels il puise son inspiration dans le folklore traditionnel russe. Alors professeur de composition au Conservatoire de Moscou, il côtoie la harpiste Xenia Erdeli et collabore avec elle pour l’élaboration de la partie soliste. En trois mouvements, Glière installe dans son œuvre une certaine forme de « classicisme » avec l’utilisation des formes sonate ou thème et variations, tout en rendant hommage au romantisme russe par le biais de mélodies et motifs expressifs.
Joseph Jongen compose dans un climat idéologique prolifique. Entre l’intensité de Wagner, les couleurs de Debussy et la révolution de Stravinsky, Jongen parvint à créer son propre langage en s’inspirant de ses prédécesseurs tout en innovant plusieurs aspects compositionnels. Pour son Concerto pour harpe, instrument pour lequel il a souvent écrit, il choisit un effectif de chambre pour renforcer la douceur de l’instrument. Parfaitement dosé et épuré, Jongen exploite dans son concerto la forme traditionnelle en trois mouvements dans laquelle l’orchestre vient ponctuer quelques motifs, formules d’accompagnements dans un contrepoint saisissant.
« Les ailes d’une harpe, le cœur d’un piano et l’âme d’une guitare ». Voilà les mots de Joaquin Rodrigo à propos de l’instrument soliste de son célèbre Concierto de Aranjuez. Initialement pour guitare, l’œuvre rappelle l’atmosphère du Palacio Real de Aranjuez, près de Madrid. Alors aveugle, Rodrigo exploite dans son œuvre toutes les sonorités instrumentales et dynamiques ressenties à travers danses, mélodies expressives et jeux rythmiques. Le second mouvement, connu universellement, expose une douce mélodie au cor anglais, inspirée de la « saeta », lamento d’Andalousie chanté traditionnellement durant la semaine sainte. Le Concerto, créé en 1940 à Barcelone, est immédiatement reconnu pour ses couleurs populaires et son langage raffiné et transparent. En 1974, Nicanor Zabaleta sollicite une version pour harpe, version proposée ici.
A peine âgée de 27 ans, Anneleen Lenaerts est une harpiste belge, remportant pas moins de 17 prix entre 1997 et 2009 dont le « Grand Prix International » Lily Laskine. Jouant partout à travers le monde, elle devient harpiste principale du Vienna Philharmonic en 2010. Derrière ce début de carrière impressionnant, Anneleen Lenaerts démontre dans ce disque une très grande délicatesse et un raffinement sans nom. Toujours au service de la musique, la harpiste possède une technique virtuose redoutable tandis que la sonorité qu’elle fait émaner de son instrument est retentissante. La façon dont elle fait briller la harpe montre que cet instrument polyphonique possède une infinité de possibilités. Sous la direction de Michel Tabachnik, le Brussels Philharmonic joue le jeu d’accompagner un instrument trop souvent écrasé par la masse orchestrale. En dehors de quelques motifs enveloppés, chaque pupitre dose ses sonorités et développe un travail plus important sur l’écoute. Découle ainsi un parfait dialogue entre la soliste et l’orchestre. Le jeu est spontané, naturel, limpide et suit la ligne mélodique principale avec intérêt et enthousiasme. Une belle découverte.
Ayrton Desimpelaere
Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10