Die Welt von Gestern

par

Robert Schumann (1810-1856) : Drei Romanzen, op. 94
Carl Reinecke (1824-1910) : Undine, op. 167
Alexander von Zemlinsky (1871-1942) : Fantasien über Gedichte von Richard Dehmel, op.  9
Walter Niemann (1876-1953) : Vier Stücke aus einem alten Patrizierhause, op. 121a
Sigfrid Karg-Elert (1877-1933) : Impressions exotiques, op. 134
Toon Fret, flûte – Veronika Iltchenko, piano
2014-DDD-71’57-Textes de présentation en anglais, français, néerlandais et allemand-Fuga Libera-Fug719 

Grâce à l’excellente plume de Frans C. Lemaire, l’auditeur découvre à l’écoute de ce disque un monde nouveau, celui illustré par Stefan Zweig dans Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen, quelques temps avant son suicide : monde où l’art n’est plus uniquement destiné aux classes religieuses et aristocratiques. De fait, le présent CD rend hommage à cinq grandes pièces du répertoire. En 1849, Schumann écrit ses Trois Romances op.94 alors qu’il demeure à Kreicha en raison des divers évènements de Dresde. Initialement pour hautbois et piano, Toon Fret les transpose volontiers à la flûte, toute aussi expressive et dynamique que le hautbois. Schumann fait évoluer son langage grâce à un dialogue permanent, là où le piano aurait été maître. Coïncidence ou non, c’est Reinecke qui assure, au piano, la première en 1863. Reinecke, compositeur prolifique qui n’a finalement écrit que deux pièces avec flûte : Le Concerto pour flûte et Undine (1882). Sans réel programme, l’œuvre, sous la forme d’une sonate traditionnelle en quatre mouvements, reprend les différentes scènes du conte éponyme de Friedrich de la Motte Fouqué dans un langage fluide et harmoniquement très développé. Seize ans plus tard, Zemlinsky entame l’écriture des Fantasie über Gedichte von Richard Dehmel pour piano seul, inspirés des poèmes de l’auteur du même nom. Quatre pièces dans un langage incroyablement novateur et pourtant encore doué de romantisme, certainement lié à la passion du compositeur pour Alma Schindler. Au 20ème siècle, siècle de transformations et d’évènements tragiques, Sigfried Karg-Elert, compositeur allemand, se distancie de la musique germanique et propose un large répertoire aux couleurs étrangères. Avec Impressions exotiques en 1919, la flûte devient davantage virtuose et dynamique. Evoquant plusieurs atmosphères caractéristiques, le compositeur sollicite des musiciens une recherche approfondie de l’instrument. La flûte et le piano deviennent le temps de ces cinq petites pièces un véritable orchestre. Considéré et accusé de « non allemand », Karg-Elert dédié sa pièce à Walter Niemann, dernier compositeur présenté ici. Avec Vier Stücke aus einem alten Patrizierhause, Niemann, pianiste et musicologue, affiche aussi son intérêt pour le style populaire. D’abord sous la forme d’une suite de neuf pièces pour piano, la version proposée ici est celle de l’opus 121a avec seulement quatre pièces.
Dans un cadre historique développé, les deux artistes offrent une lecture raffinée, découlant d’un dialogue évident. Grâce au piano subtil et équilibré de Veronika Iltchenko, Toon Fret parvient à se placer avec douceur. La pureté du son et du timbre, associée à la délicatesse du piano, offre une lecture homogène et juste au niveau des styles. L’équilibre y est, le flûtiste libéré de toute contrainte pouvant ainsi déployer toute l’étendue de son instrument. En solo, la pianiste démontre aussi l'abondante palette de couleurs et dynamiques qu’elle possède, tout en gardant ce jeu limpide et délicat. Un cd qui le temps d’un court instant nous transporte dans un monde en constante évolution, apportera au mélomane un autre regard sur la flûte dans un cadre historique dense. Un vrai petit bijou pour les oreilles, dans la parfaite continuité du premier cd des deux artistes consacré à la musique française de la Belle Epoque. A découvrir rapidement.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10

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