Après la tourmente...

par
Gluck Martini

Jean Paul Egide MARTINI
(1741 - 1816)
Requiem pour Louis XVI et Marie-Antoinette
Christoph Willibald GLUCK
(1714 - 1787)
De profundis

Corinna SCHREITER (soprano), Martin PLATZ (ténor), Markus SIMON (basse), Festivalchor Musica Franconia, La Banda, dir.: Wolfgang RIEDELBAUCH
2016-DDD-Live-73'46-Textes en allemand, anglais et français-Christophorus CHR 77413

Il est difficile de ne pas être intimidé par la solennelle gravité qui anime le De profundis de Christoph Willibald Gluck qui ouvre ce programme, une oeuvre très peu connue et qu'on estime avoir été écrite tout à la fin de la vie de ce dernier, entre 1785 et 1787. On pense d'emblée à l'ouverture d'Alceste même si, sur le plan mélodique, les deux pages sont fort différentes. L'instrumentation contribue au caractère lugubre et sombre de cette pièce très particulière: cordes graves, basson, trois trombones et cor, ainsi qu'un hautbois, seule touche de lumière. Page exclusivement chorale, elle ne pourra que se laisser admirer par la maîtrise du compositeur d'Orphée et Eurydice dans le traitement des voix. Le plat de consistance du programme réside néanmoins dans le Requiem qu'écrivit Jean Paul Egide Martini à la mémoire de Louis XVI et de Marie-Antoinette. Oeuvre à forte connotation politique au demeurant, elle fut demandée à son auteur par les Bourbons sitôt leur rétablissement sur le trône assuré après l'aventure napoléonienne, une requête qui intégra un programme de commémorations destinées à conforter dorénavant, par des manifestations régulières, le retour au statu quo ante. Le transfert à Saint-Denis des restes des souverains victimes de la Terreur, décidé par Louis XVIII, est l'occasion de célébrer l'événement en grandes pompes. La signification du geste est claire et forte: l'avant-dernier des Bourbons souligne à gros traits la continuité et la légitimité de la dynastie à laquelle il appartient, pièces d'un puzzle très élaboré qui vise à considérer désormais toute la période comprise entre la Révolution et le premier empire comme un accident – tragique et illégitime – de l'Histoire. Choisi sans doute pour sa condition de dernier surintendant de la musique du roi nommé quelques mois avant les bouleversements de 1789, le pauvre Martini a le redoutable honneur de satisfaire leurs ombrageuses Majestés par la réalisation d'un Requiem à la hauteur de l'événement. Il sera entendu le 21 janvier 1816 dans la basilique Saint-Denis. Un an plus tard, ce sera à Cherubini, qui aura entretemps remplacé son éphémère prédécesseur, décédé quelques semaines à peine après la première audition de son – ironiquement à double titre - Requiem, que reviendra de faire jouer, exactement le même jour et au même endroit, sa propre messe des morts en ut mineur qui, au contraire de la partition de Martini, deviendra célèbre et demeure encore assez fréquemment jouée et enregistrée de nos jours. On s'explique d'ailleurs mal le désaveu que connaîtra la musique de Jean Paul Egide: il y a beaucoup d'intelligence, d'habileté et d'efficacité dramatique dans cette musique qui s'insère avec naturel entre celles de Gossec à l'époque de la Révolution et les chefs-d'oeuvre de Cherubini et Berlioz après la Restauration. Captée en public, l'interprétation, modeste, est cependant d'une grande probité et suffisamment de qualité pour qu'on puisse apprécier dans de fort bonnes conditions ces deux raretés.
Bernard Postiau

Son 8 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 8

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