Bart Van Reyn et le Vlaams Radio Koor superbes dans la Petite messe solennelle de Rossini
Composée en 1863, alors que Rossini vivait depuis longtemps une retraite parisienne paisible, et classée avec l’humour propre à l’artiste parmi ses Péchés de vieillesse (Rossini décéderait en 1868, à 74 ans), cette Messe n’est petite ni sur le plan de la durée (près d’une heure et demie) ni sur celui de la facilité d’exécution. Elle n’est pas modeste non plus sur le plan formel, dans le sens où Rossini n’hésite pas à démontrer que son savoir va bien au-delà de sa légendaire facilité mélodique, mais qu’il maîtrise aussi les formes classiques. Une parfaite illustration en est le Prélude religieux (en fait un Prélude et Fugue) pour piano qui précède le Sanctus, et où le compositeur démontre qu’il connaissait bien son Bach, mais aussi les modernes comme Liszt et Franck. Elle n’est pas davantage petite pour ce qui est des exigences posées au choeur comme aux solistes. En effet, elle exige un choeur aguerri et des solistes capables de faire face aux exigences de ce maître de la voix. Là où elle est petite en revanche, c’est dans son instrumentation. Si Rossini l’orchestra par la suite, elle est prévue à l’origine pour un effectif instrumental réduit à sa plus simple expression, soit deux pianos et un harmonium, même si la version qu’en offrit le Choeur de La Radio flamande (Vlaams Radiokoor, ci-après VRK) à Flagey se satisfit d’un seul pianiste. Le programme ne disant rien de ce choix, on ne peut qu’espérer qu’il ne fut pas inspiré par des considérations budgétaires. Quant au terme « solennel », on se demande s’il faut vraiment l’appliquer à une oeuvre si fine et chaleureuse, et qui n’a vraiment rien de compassé.
Pour ce qui est de l’interprétation offerte de cette oeuvre inclassable -à la fois intime et majestueuse, les interprètes réunis l’autre soir à Flagey offrirent au nombreux mélomanes présents une version de toute beauté. La palme doit ici aller en premier lieu au chef Bart Van Reyn, tout simplement parfait à la tête d’un VRK dont la sûreté technique, la beauté vocale et la finesse d’interprétation furent remarquables. Parmi les solistes vocaux, on épinglera le soprano richement coloré d’Hasmik Torosyan. Si on ne sait pas si ce qui a conduit à confier la partie de mezzo à un contre-ténor, Carlo Vistoli s’acquitta fort bien de sa tâche, montrant un timbre plaisant et une technique assurée. Le ténor Peter Gijsbertsen fut lui aussi très sûr dans ses interventions, même s’il est permis de préférer ici un timbre plus italien et solaire (on avait l’impression d’entendre un Evangéliste sorti d’une Passion de Bach). Quant à la basse Daniele Antonangeli, il se montre très à l’aise dans ses interventions, chantant avec une belle franchise et un timbre sonore quoique manquant de velours. On ne manquera pas de saluer les très belles prestations du pianiste Tanguy de Williencourt, absolument souverain dans une partition loin d’être facile, ainsi que celle de Bart Rodyns qui tint très bien la partie d’harmonium.
Bruxelles, Flagey, 7 mars 2020.
Patrice Lieberman
Crédits photographiques : Wouter Van Vaerenbergh