Délicatesse et subtilité : Beethoven par François-Xavier Roth à Tourcoing
François-Xavier Roth dirige Les Siècle -sur instruments anciens- ainsi que l’Ensemble Aedes et le Choeur Régional Hauts de France pour une interprétation délicate et subtile des 8e et 9e Symphonies de Beethoven. Douze années séparent l’écriture des deux symphonies. La Huitième, initiée en 1811, est terminée en 1812 dans la ville d’eaux de Teplitz en Bohème. Le caractère tout à fait souriant et vif de cette oeuvre, très classique dans sa durée et ses proportions, n’avait pourtant pas séduit le public viennois en 1814. Longtemps affublée du titre peu glorieux de « petite symphonie », elle est révélée par François-Xavier Roth et ses musiciens de manière tout à fait exceptionnelle. D’une main précise et élégante, une gestuelle dansante et totale, François-Xavier Roth offre au public une pièce toute au dialogue entre passé et présent, rusticité et raffinement. L’interprétation sur instruments à cordes en boyaux, archets et vents classiques, accordés à 430 Hzn, révèle la subtilité d’une pièce dont les magnifiques pianissimos de cordes de l’allegro vivace e con brio, réveillés par un allegretto scherzando sautillant, opèrent un retour à Haydn et Mozart avec un Menuet (Tempo di Menuetto) au rythme rustique, avant de s’épanouir en un Finale Allegro Vivace parfait.
Elégante 8e Symphonie. Passionnante Neuvième. Et même troublante de beauté. Cette symphonie avec choeurs et quatuor de solistes est l’aboutissement d’un rêve pour Beethoven qui, dès l’âge de 22 ans, rêvait de mettre en musique l’Hymne à la joie de Schiller. Elle est aussi l’ultime pan du défi relevé par François-Xavier Roth qui souhaitait, en cette année de commémoration, donner l’intégrale des symphonies comme Beethoven aurait pu les entendre… On ne peut que saluer le travail du chef et des musiciens. L’attention qu’ils portent au son d’alors semble, en effet, mettre en lumière un aspect plus secret de la pensée de Beethoven. C’est que la difficulté de l’exécution sur instruments à cordes en boyaux et instruments anciens dévoile une sorte de fragilité touchante qui replace l’humain au coeur du discours. Alors que beaucoup ont amplifié le caractère d’immensité de l’oeuvre, sa force presque brutale parfois et son discours dramatique, François-Xavier Roth apprivoise ainsi la part émotionnelle et spirituelle de l’oeuvre, tout aussi indispensable à l’expression des idéaux du compositeur que la part spectaculaire de celle-ci.
Nous garderons de ce concert le souvenir d’un grand moment de l’année Beethoven. Et s’il nous était permis de rêver un peu, nous demanderions le privilège de le revivre grâce à un enregistrement.
Tourcoing, Théâtre Municipal Raymond Devos, 6 mars 2020
Anne-Sandrine Di Girolamo
Crédits photographiques : Holger Talinski
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