A Genève, un remarquable ensemble, Gli Angeli

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Depuis quinze ans, l’ensemble Gli Angeli, fondé par Stephan MacLeod, son infatigable directeur artistique, est l’une des composantes majeures de la vie musicale genevoise. Formation à géométrie variable jouant sur des instruments (ou copies d’instrument) d’époque, elle fait montre d’éclectisme en ouvrant son champ d’action à divers répertoires sans se cantonner dans la musique baroque. Mais, dès le début, son aventure s’est concentrée sur une intégrale des cantates de Bach données en concert à Genève, aventure qui se poursuit encore aujourd’hui. Parallèlement, est mise sur pied une présentation complète des symphonies de Joseph Haydn.

Et le huitième concert de cette seconde série s’ouvre par la 59e Symphonie en la majeur, dite Feuersymphonie, dont le matériau provient vraisemblablement de la musique de scène pour Die Feuerbrunst de Gustav Friedrich Wilhelm Grossmann représentée à Esterhaza en 1774. Et c’est bien dans l’esprit théâtral que Stephan MacLeod développe le Presto initial en insufflant une énergie vivifiante à son magnifique ensemble incluant seize cordes, deux cors et deux hautbois. Le mordant du trait s’estompe avec le balancement de l’Andante qui fait sourdre la veine mélodique irradiant de fiers accents le Menuetto puis un Finale brillant où les cors péremptoires se laissent amadouer par les bois, imprégnant de sérénité le paysage sonore.

La défection du violoncelliste Christophe Coin, retenu chez lui par la perte d’un proche, modifie le programme. Et c’est son jeune collègue arménien Davit Melkonyan, qui aurait dû dialoguer avec lui dans une symphonie concertante d’Anton Reicha, qui le remplace en s’attaquant au redoutable Concerto en ut majeur de Joseph Haydn. Sur un cantabile expressif du tutti, le soliste révèle une sonorité racée dans une souplesse de phrasé qui lui permet une exécution soignée des passaggi, même si se dégage un creux entre les registres qui disparaît avec un Andante où la messa di voce sur les tenues s’ouvre sur une poésie intérieure qu’irisent les aigus. L’extrême liberté de la cadenza annonce un Prestissimo conclusif émaillé de traits brillants.

La seconde partie est consacrée à Anton Reicha dont la postérité a gardé en mémoire l’enseignement de la composition au Conservatoire de Paris où il a eu pour élèves Berlioz, Liszt, Gounod, Franck et Vieuxtemps. Nous est proposée une Symphonie Concertante en sol majeur écrite à Bonn entre 1787 et 1794. Interviennent deux jeunes solistes, le flûtiste niçois Alexis Kossenko, élève d’Alain Marion au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, et la violoniste Chouchane Siranossian, spécialisée dans le répertoire baroque, primée par Diapason ‘Découverte’ et l’ICMA (International Classical Music Awards) pour son CD ‘L’ange et le diable’. Peut-être sous l’effet du trac, sa sonorité paraît d’abord un peu frêle, tandis qu’elle ornemente le phrasé pimpant de la flûte qui mène le dialogue sur un canevas instrumental primesautier. Mais les démanchés rapides qu’exige la cadenza lui donnent ensuite une assurance qui illuminera un Largo nonchalant où le duo échange de simples motifs puis un Finale où la flûte expose un thème qui sera prétexte à de brillantes variations. A titre de bis, le violoncelliste les rejoint afin de constituer un trio nous proposant une autre de page de Reicha, d’éblouissantes Variations sur l’arietta « Se vuol ballare » des Nozze di Figaro.

Paul-André Demierre

Genève, Studio Ernest-Ansermet, le 5 mars 2020

Crédits photographiques :  Tasko Tasheff

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