Bryn Terfel, Hollandais humain et imposant

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Bryn Terfel (le Hollandais) et Adrianne Pieczonka (Senta) © ROH 2015 - Clive Barda

Pas d’entr' acte ni rédemption dans la version du Fliegende Holländer que le Royal Opera propose,  dans une reprise de la production de 2009 de Tim Albery, avec à nouveau le superbe baryton gallois Bryn Terfel dans le rôle-titre. Son Hollandais est un être humain tourmenté, pas un personnage mythique ou diabolique. Il entre en scène trainant un lourd cordage qui semble le lier à son navire et symbolisant le poids de son sort. Le navire est suggéré par un vaste plan métallique incliné avec des phares dans le fond (décor Michel Levine). Une ombre noire, angoissante, s’étend lentement à l’approche du navire du Hollandais dont, au troisième acte, on ne voit que la passerelle.  Pas de jeunes fileuses dans la maison de Daland mais des ouvrières derrière leurs machines à coudre et une scène vide éclairée d’une lampe solitaire et deux chaises pour la confrontation de Senta et du Hollandais. Au troisième tableau, un bel effet quand surgit tout l’équipage, visages pâles et hantés. Puisqu’il s’agit de la version de Dresde (1843), pas de rédemption : la dernière scène nous montre Senta serrant dans ses bras la maquette d’un trois mats qu’elle avait posé à l’avant- scène au début du spectacle. Ce n’est donc pas le portrait du marin maudit qui la hante. Le rencontre-t-elle vraiment ? Vit-elle dans un monde illusoire? L’interprétation de Tim Albery m’a davantage convaincue qu’il y a six ans. Mais peut-être est-ce à l’aune des versions saugrenues qui nous ont été proposées entretemps!
Haut niveau musical avec l’Orchestre du Royal Opera en grande forme sous la baguette d’Andris Nelsons qui sut déchaîner orages et démons et nous offrir aussi des pages lyriques et intimes d’une intense force expressive. Les chœurs du Royal Opera, dirigés par Renato Balsadonna, sont excellents (particulièrement les hommes) et la distribution est homogène et impliquée. Bryn Terfel met sa voix opulente et bien contrôlée au service de nuances subtiles ou d’une vrai force dramatique, offrant du Hollandais un portrait très humain. Adrianne Pieczonka maîtrise aisément les exigences vocales du rôle de Senta. Sa voix souple et lumineuse incarne une jeune femme rêveuse vêtue une simple robe fleurie. Peter Rose campe de sa basse sonore un Daland jovial et cupide. Le personnage d’Erik (Michael König) et la voix sonnait assez crispée. Par contre, le Steuermann de Ed Lyon est exemplaire et vocalement beau. Bonne prestation aussi de Catherine Wyn-Rogers en Mary.
Erna Metdepenninghen
Londres, Royal Opera House, le 5 février 2015

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