Carmen Dragon, l’un des deux chefs d’orchestre maison de Capitol Records

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The Art of Carmen Dragon - Le Grand Tour. « Lollipops » de Abreu, Adam, Addinsell, Albéniz, Arne, A'Becket, Barber, Barnby, Bath, Beethoven, Bizet, Böhm, Bolzoni, Bourgeois, Brahe, Brahms, Chabrier, Chopin, Copland, Corelli, Cottrau, Cui, de Curtis, Debussy, Delibes, Denza, Dinicu, Drigo, Dvořák, Elgar, Emmett, Evans, de Falla, Fibich, Flotow, Foster, Friml, Gade, Génin, Ghys, Glazounov, Glière, Glinka, Godard, Godowsky, Gould, Gounod, Grainger, Gruber, Granados, Grieg, Grofé, Haendel, Herbert, Humperdinck, Ippolitov-Ivanov, Iradier, Järnefelt, Khatchatourian, Knipper, Kreisler, Lara, Lecuona, Leoncavallo, Léontovytch, de Lisle, Liszt, Litolff, Luigini, Luther, MacDowell, McRitchie, Malotte, Marquina, Mascagni, Mason, Massenet, Mendelssohn, Monteverde, Monti, Moussorgski, Nevin, Offenbach, Paderewski, Padilla, Paganini, Ponce, Porter, Poulton, Puccini, Rachmaninov, Ravel, Redner, Rimski-Korsakov, Rodriguez, Romberg, Rosas, Rossini, Rubinstein, Saint-Saëns, Sarasate, Schubert, Schumann, Sibelius, Sousa, Steffe, Sullivan, Johann Strauss II, Tchaïkovski, Thomas, Toselli, Verdi, Wagner, Waldteufel, Ward, Weber, Wildman, Willis, Wolf-Ferrari, Woodforde-Finden. Divers « Traditionals ». Emanuel Bay, Leonard Pennario, piano. Hollywood Bowl Symphony Orchestra, Hollywood Bowl "Pops" Orchestra, Capitol Symphony Orchestra, direction : Carmen Dragon. Enregistré entre 1952 et 1963. Pas de livret. 1 coffret 17 CD Scribendum SC820.

Le Grand Tour, comme indiqué en sous-titre de ce coffret, c’est bien évidemment Le Tour du monde en musique, et quand on s’aperçoit de cette étonnamment vaste multitude de compositeurs représentés, qui était le mieux destiné à l’accomplissement de ce Tour du monde musical ? Le chef d’orchestre américain Carmen Dragon, bien sûr, qui nous gratifie d’un véritable feu d’artifice sonore ! Avec, reconnaissons-le, l’aide d’un maximum possible de ses albums LP Capitol compilés patiemment et intelligemment par Giorgio Cuppini du label anglais Scribendum, qui nous offre de manière exhaustive un coffret inattendu et inespéré : comme il est impossible à l’heure actuelle de savoir avec certitude à qui appartient le catalogue classique de Capitol Records (Warner Classics ou Universal ?) que ces messieurs dédaignent de rééditer en CD, le coffret sous rubrique est vraiment le bienvenu.

Il est des noms qui sont de toute évidence voués à des destinées artistiques : Carmen Dragon (1914-1984) n’est ni une femme, ni une créature mythologique, mais bien un artiste protéiforme. On ne détaillera pas ici sa biographie que l’on peut trouver aisément sur internet ; qu’il suffise de préciser que ce natif d’Antioch en Californie a certainement fait aimer la musique dite « classique » ou « sérieuse » à d’innombrables personnes d’Amérique et d’ailleurs, par l’intermédiaire de la musique légère de qualité (Light music, ou Concert music, comme disent les Anglo-saxons) qu’il exaltait souvent par l’opulence très caractéristique mais sans excès de ses harmonisations recherchées et ses orchestrations chatoyantes et raffinées.

Avec Felix Slatkin, dont nous avons par ailleurs commenté le coffret Scribendum SC822, Carmen Dragon fut l’un des deux chefs d’orchestre maison - phare de Capitol, section classique, et certainement parmi les premiers artistes à pratiquer le crossover musical, mais à la différence de son collègue, c’est à partir de la musique légère de qualité qu’il amena ses auditeurs vers la musique plus sérieuse, alors que Felix Slatkin se consacra en priorité à la musique classique et secondairement à la musique légère. De plus, Carmen Dragon fut très actif et talentueux dans la musique de film, et s’y adonna régulièrement jusqu’en 1956 avec Invasion of the Body Snatchers (L’Invasion des profanateurs de sépultures) au langage particulièrement dissonant jusqu’à l’atonalité, montrant un musicien complet et sérieux en pleine possession de ses moyens et son métier.

Évidemment, force est de reconnaître que dans le répertoire classique, Carmen Dragon ne s’aventure guère dans des œuvres de grande envergure et se limite à ce que Sir Thomas Beecham appelait affectueusement mais non sans humour des lollipops (bonbons ou sucettes)… et si ses orchestrations de pièces pour piano sont colorées, imaginatives mais respectueuses des originaux, on lui pardonnera cette étonnante aberration d’avoir affublé certaines « tubes » ultra connus pour piano solo d’une sauce orchestrale ronronnante totalement superflue (très certainement à la demande de ce pianiste américain quelque peu superficiel, Leonard Pennario), comme le premier mouvement (?) de la Sonate au Clair de lune de Beethoven, le Rêve d’amour n° 3 de Liszt ou le Prélude op. 3 n° 2 en ut dièse mineur de Rachmaninov, histoire de les travestir en médiocres concertinos pour piano et orchestre… À l’opposé, il faut entendre les violons fabuleusement disciplinés du Hollywood Bowl Symphony Orchestra sous la baguette infaillible de Carmen Dragon dans son arrangement du Moto perpetuo de Paganini : ils sont absolument renversants au point de donner l’illusion d’un seul instrument qui expédie cette page diabolique en 5 minutes, reprise respectée : une version qui n’a rien à envier à celle de Toscanini !

Le coffret Scribendum est intelligemment conçu selon les évocations musicales regroupées en genre, ou de divers pays ou communautés : Tsiganes, Espagne, Italie, France, l’Amérique et ses opérettes, Comédies musicales, Chants traditionnels et folkloriques, la Russie et l’Orient, musique de théâtre, Rêveries et Sérénades, Romance, Passion, Chopin sous les Étoiles (au Hollywood Bowl), Concert spectaculaire, Autour du Monde, Musique religieuse, Traditionnels de Noël. Autant que possible, Scribendum a regroupé deux microsillons par CD selon l’ordre original des plages du vinyle, rendant la majorité des CDs particulièrement généreux en durée.

Giorgio Cuppini a recherché les meilleures sources disponibles pour confectionner son album Scribendum, et de fait les reports en CD sont absolument irréprochables, pratiquement dans la totalité. En effet on notera un son artificiel, distordu et parfois atteint de pleurage, à l’entièreté du CD 16 dont les 10 premières plages correspondent à l’album stéréo original Bless this House (Bénissez cette maison, SP8527), mais dont le transfert utilisé semble celui (en mono, hélas !) des digitalisations toujours médiocres de la Emkay Remasters Series qui fleurissent sur Internet. De même, le report de la seconde moitié du CD 15 (plages 8 à 15) correspondant à l’album mono original Starlight Concert (Concert aux Étoiles, P8276), bien que relativement correctement réalisé à partir du vinyle, est entaché de clics et pops qui auraient pu être facilement élagués. Mais finalement ces défectuosités ne concernent au total qu’un CD et demi sur les dix-sept du coffret, ce qui est peu de chose pour une réalisation et une mise en place qui n’ont pas dû être de tout repos, et dont bénéficient dorénavant les mélomanes d’un certain âge ou en quête de nostalgie auditive, et même tous les autres ! De toute façon, tout comme celui consacré à Felix Slatkin, ce coffret Scribendum consacré à Carmen Dragon n’a aucun équivalent actuel.

Son : 8 - Pas de livret - Répertoire : 8 - Interprétation : 8

Michel Tibbaut

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