Enfin une compilation digne du chef d’orchestre américain Felix Slatkin

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The Art of Felix Slatkin. Œuvres de Isaac Albéniz, Johann Sebastian Bach, Georges Bizet, Benjamin Britten, André Caplet, Carlos Chávez, Claude Debussy, Léo Delibes, Frederick Delius, Ernst von Dohnányi, George Gershwin, Reinhold Glière, Morton Gould, Edvard Grieg, Ferde Grofé, Jacques Ibert, Mikhaïl Ippolitov-Ivanov, Dmitri Kabalevsky, Aram Khachaturian, Harl McDonald, Jules Massenet, Felix Mendelssohn, Darius Milhaud, Jacques Offenbach, Maurice Ravel, Nikolaï Rimski-Korsakov, Gioachino Rossini, Camille Saint-Saëns, Pablo de Sarasate, Johann Strauss II, Richard Strauss, Franz von Suppé, Piotr Ilyitch Tchaïkovski, Heitor Villa-Lobos, Émile Waldteufel, Jaromír Weinberger. Divers arrangements de Felix Slatkin et Amerigo Rickey Marino. Diverses musiques de film et militaires. Michael Rabin, Paul Shure, violon ; Eleanor Aller, violoncelle ; Ann Mason Stockton, harpe. Victor Aller, Leonard Pennario, Harry Sukman, piano. Hal Reese, percussion. Concert Arts Cello Ensemble ; Concert Arts Orchestra and Percussionists ; Hollywood Bowl Symphony Orchestra ; The Fantastic Fiddles ; The Fantastic Strings ; Concert Arts Symphonic Band ; The Light Brigade, direction : Felix Slatkin. Enregistré entre 1952 et 1963. Édition 2020. Pas de livret. 1 coffret 13 CD Scribendum SC822.


La politique du label anglais indépendant Scribendum, selon son sympathique maître d’œuvre Giorgio Cuppini, est de non pas prétendre émettre « l’intégrale » des artistes présentés dans nos sorties "The Art of" ; notre objectif principal est d’offrir une bonne sélection d’enregistrements qui peuvent présenter un portrait bien fait de chaque artiste individuel et, si possible, d’inclure des enregistrements rares ou indisponibles. »
En appliquant ce principe au chef d’orchestre américain Felix Slatkin, comme il l’a d’ailleurs fait auparavant envers d’autres musiciens, il répare enfin une injustice flagrante.

Qui ne connaît Leonard Slatkin, chef d’orchestre américain mondialement admiré, directeur musical de divers grands orchestres américains, et directeur musical honoraire de l’Orchestre National de Lyon ? Il fait partie d’une famille de musiciens d’exception, dont son père Felix et sa mère violoncelliste Eleanor Aller Slatkin qui, eux, sont bien injustement oubliés de nos jours.

Dès l’âge de neuf ans, Felix Slatkin (1915-1963) étudie le violon avec Isadore Grossman et devient vite musicien professionnel afin de subvenir aux besoins de sa famille. L’obtention d’une bourse d’études à l’Institut Curtis à 16 ans lui permet d’y parachever ses études de violon avec Efrem Zimbalist, et de direction d’orchestre avec le sévère Fritz Reiner. Engagé à 19 ans comme violon solo adjoint le plus jeune de l’Orchestre Symphonique de Saint-Louis, sa ville natale, sa carrière musicale prend toutefois un tournant décisif lorsqu’il s’établit définitivement à Hollywood en tant que chef d’orchestre et arrangeur pour de grands studios de cinéma, et où il baigne dans un foisonnement culturel unique et de tous genres du gratin musical de l’endroit, ce qui l’amène à se lier aux plus grands artistes d’Hollywood, depuis Igor Stravinsky et Arnold Schoenberg jusqu’à Frank Sinatra dont il dirige certaines sessions d’orchestre ! Felix est devenu violon solo du 20th Century Fox Studio Orchestra d’Alfred Newman tandis que sa femme, Eleanor Aller (1917-1995), est violoncelliste principale chez Warner Brothers, la première femme à occuper un poste titulaire dans un orchestre de studio. En 1939, l’année même de leur mariage, Felix et Eleanor décident de former un quatuor à cordes, le Hollywood String Quartet, l’un des quatuors les plus respectés de tous les temps, avec lequel ils débutèrent leur contrat d’après-guerre en 1949 auprès de Capitol Records.

Mais Felix réalisa surtout des gravures orchestrales chez Capitol : avec son Concert Arts Orchestra, le Hollywood Bowl Symphony Orchestra (nom d’été du Los Angeles Philharmonic au Bowl) et  dans un répertoire plus léger, chez Liberty Records, ses Fantastic Strings. Ces trois formations sont abondamment documentées dans ce coffret Scribendum.

Parmi cet ensemble, beaucoup de pages sont ce que Sir Thomas Beecham appelait affectueusement –et non sans une pointe d’humour !- des lollipops (sucettes…), sans doute destinées aux consommateurs du format 45 tours naissant. Mais à côté de cela, que de merveilles d’interprétation et de goût depuis les pétillants Carnaval des animaux de Saint-Saëns et Gaieté Parisienne de Jacques Offenbach jusqu’aux pages de Benjamin Britten et Morton Gould, en passant par ces -un temps célèbres- Esquisses caucasiennes op. 10 d’Ippolitov-Ivanov et Variations sur une chanson enfantine pour piano et orchestre op. 25 d’Ernst von (Ernő) Dohnányi, 1812 et la suite de Casse-Noisette de Tchaïkovski, celles de Peer Gynt de Grieg, la Petite Suite de Debussy, un superbe tout premier microsillon entièrement consacré en septembre 1952 à Frederick Delius où rayonne l’admirable violoncelle d’Eleanor Aller, le Conte Fantastique d’André Caplet, la Bachiana brasileira n° 1 pour ensemble de violoncelles de Villa-Lobos, le turbulent Divertissement de Jacques Ibert, une version exceptionnelle de ferveur et de poésie des spacieuses cartes postales musicales du Grand Canyon et du Mississippi de Ferde Grofé, la Rhapsody in Blue et Un Américain à Paris de Gershwin, le flamboyant Concerto pour piano en ré bémol d’Aram Khatchatourian, et diverses œuvres de Darius Milhaud, Harl McDonald, Carlos Chávez… Comme on peut le constater, Felix Slatkin est loin de manquer d’éclectisme !…

N’allez surtout pas croire que, parce qu’il appartient au monde «hollywoodien», le style musical de Felix Slatkin l’est tout autant, tel que l’on pourrait l’imaginer de façon simpliste, alors qu’il se révèle tout de rigueur, de subtilité et de raffinement, sans le moindre excès, mais toutefois sans atténuer certains éclats requis par la partition. Comment d’ailleurs pourrait-il donc en être autrement de la part de ce musicien qui fonda le magnifique Concert Arts Orchestra dont faisait partie la crème des musiciens de la région, et surtout le légendaire Hollywood String Quartet tant admiré par Stravinsky ou Schoenberg, et dont le niveau d’accomplissement était tel qu’il concurrençait aisément le Juilliard String Quartet ?…

À l’instar d’Arthur Fiedler, chef du fameux Boston Pops Orchestra, mais avec probablement plus de musicalité, Felix Slatkin fut certainement l’un des premiers chefs d’orchestre à pratiquer le «crossover» musical sans la moindre idée préconçue des divers genres, si typique des anglo-saxons, preuve d’une grande ouverture d’esprit artistique.

Reports en CD absolument impeccables !

Son : 9 - Pas de livret - Répertoire : 9 - Interprétation : 9

Michel Tibbaut

 

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  1. Ping : Carmen Dragon, l’un des deux chefs d’orchestre maison de Capitol Records | Crescendo Magazine

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