Cramer entre Mozart et Beethoven

par

Johann Baptist Cramer (1771-1858)  : Concertos pour piano et orchestre n°4 en do majeur, op. 38, et n°5 en do mineur, op. 48. Howard Shelley, piano et conducteur des London Mozart Players. DDD-©2019-enregistré en 2018-60'52"- Livret en anglais, français et allemand-Hyperion-CDA68270

Même s'il est né à Mannheim, c'est à Londres que Johann Baptist Cramer poursuit la majorité de sa formation et de sa carrière musicale. Muzio Clementi lui fait travailler le piano dont il deviendra un des grands représentants de cette période de transition entre le classique et le romantisme. On lui doit huit concertos pour son instrument écrits dans la période qui couvre une trentaine d'années de 1795 à 1825. Les deux qui nous concernent ici, dans cette série The classical piano concerto de l'éditeur Hyperion, datent respectivement de 1807 et de 1813. En 1807, Beethoven vient de terminer son 4e Concerto op. 58 et, en 1813, il entame la dernière révision de son opéra Léonore qui mènera aux deux actes de son Fidelio

Le 4e Concerto de Cramer n'a pas l'ambition beethovénienne ; il nous ramène plutôt à Mozart par son charme mélodique même si Cramer met plus en évidence le rôle de la flûte et ne conserve plus de cadence libre à la fin du premier mouvement. La romance affetuoso est pleine de fraîcheur et le concerto se conclut par un rondo pastoral à la chasse assez conventionnel où les cors sont inévitablement mis à contribution. Cramer y introduit une longue cadence qui nous fournit une indication de la technique relativement simple qu'il pratiquait à ce moment. 

Renforcé par des trompettes et des timbales, le 5e Concerto nous distille déjà des accents plus contrastés, accentués par la tonalité de do mineur, qui esquissent le romantisme allemand naissant à la Weber. Dès le premier mouvement, on est soumis à une virtuosité plus élaborée comme en témoignent les traits de tierces qui étaient absents du précédent concerto. S'ensuit une charmante mélopée énoncée successivement à l'orchestre (où les cors et les flûtes prennent la meilleure part) et au piano qui entre alors dans un discret dialogue avec l'orchestre. On conclut par un rondo à la hongroise dans le style de Haydn, sans la spontanéité ni les effets de surprise de ce dernier.

En 2002, Howard Shelley avait déjà enregistré avec le brio et la conviction qu'on lui connaît les concertos n°2, 7 et 8 chez Chandos. Il sait comment aborder Cramer en donnant vie aux multiples traits pianistiques assez traditionnels et en faisant chanter son piano dans les passages plus romantiques. Il est soutenu par les London Mozart Players dont on ne cesse d'admirer les qualités déjà prouvées par la série parallèle Contemporaries of Mozart, également chez Chandos. 

Jeremy Dibble nous gratifie d'une notice concise, particulièrement bien documentée, et d'une analyse très détaillée des deux oeuvres enregistrées. En résumé, cet enregistrement est un must pour comprendre l'évolution du concerto pour piano au début du XIXe siècle et approcher le missing link entre classicisme et romantisme.

Son : 8-Livret : 10-Répertoire : 9-Interprétation : 9

Jean-Marie André

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