Dans les salons de Violetta :  une Traviata intime dans un palazzo parisien

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Nous entrons par la grille d’un hôtel particulier donnant sur la place Saint-Georges à Paris. L’action de La Traviata semble avoir déjà commencé dans ce décor immersif mais aujourd’hui, nous aussi, nous faisons partie du spectacle. Des chanteurs chauffent leurs voix tandis que le public attend patiemment dans le hall tout en profitant des œuvres d’art qui ornent les salons du XIXe siècle. Dans cette réception réservée à trente convives, la richesse d’art et d’histoire du patrimoine qui nous entoure est remarquablement mise en valeur pour traduire au mieux cette expérience confidentielle de La Traviata.

Paris accueille cette semaine un concept bientôt pérenne, venu tout droit de Venise. Il investit à cette occasion la Fondation Dosne-Thiers (Paris 9e). Son innovation ? Proposer une expérience purement immersive, célébrant la tradition des salons artistiques. Comme si nous étions les invités de Violetta dans sa demeure parisienne, le public est littéralement encouragé à suivre le déroulement de l’action, livret à la main, de pièce en pièce du palais. 

Néanmoins, contrairement à l’escape game, le rôle du public est moins net, même s’il est partie intégrante de la production. Ainsi, les spectateurs arrivant ici avec les codes bien ancrés de l’opéra se retrouvent rapidement pris au dépourvu. Comment faire mourir Violetta à côté de toutes ces personnes extérieures réunies ? 

Concentré sur les trois rôles principaux de l’opéra : Violetta, Alfredo et Giorgio, les trois chanteurs sont accompagnés par un piano, un violon et un violoncelle. C’est donc une adaptation très chambriste de La Traviata qui est proposée par Opera a Pallazo (transcription musicale par Ensemble Musica a Palazzo Venise). D’importantes coupures dans la partition engagent cependant une concentration si absolue de l’action autour de l’histoire d’amour célèbre, qu’aucun relâchement de l’attention n’est envisageable. Après l’ouverture, l’opéra commence avec « Libiamo ne’lieti calici » (Brindisi) entre Violetta et Alfredo, puis s’arrête plus longuement sur la scène de Violetta et Giorgio (acte II) afin de reprendre quelques instants avant les dernières quintes de toux de l’héroïne. 

Habillés par le célèbre atelier vénitien de Stefano Nicolao et dirigés par la metteuse en scène Patrizia di Paolo, les artistes parisiens ont été choisis avec beaucoup de soin. En effet, il a fallu trouver les voix capables de s’adapter à un espace beaucoup moins important qu’une immense scène d’opéra, traditionnellement réservée à ce type de productions. Cet opéra de poche donne ainsi la possibilité aux chanteurs (en alternance) venus de tous horizons de se réaliser dans leurs rôles de rêve. 

À quelques mètres de nous, la soprano Armelle Khourdoïan (Violetta), le ténor Christophe Poncet de Solages (Alfredo) et le baryton Laurent Arcaro (Giorgio) nous permettent de savourer de près le poids des paroles qui s’inscrivent dans leur expression faciale. Effaçant les distances physiques entre les artistes et le public, ce concept est censé rapprocher les deux. Cela est-il seulement possible ? 

Ce paradoxe a déjà été relevé par Francis Scott Fitzgerald dans son livre Gatsby le magnifique. Comme le dit une invitée de Gatsby : « J’aime les grandes réceptions. Elles ont un caractère si privé. Dans les petites, il n’y a jamais d’intimité. » Avec une Traviata transportée dans les salons parisiens, l’expérience est particulièrement intense pour les chanteurs qui sont véritablement mis à découvert. Il en va de même pour les spectateurs qui sont, eux aussi, énergiquement impliqués dans la réussite du spectacle. Mais dans les deux cas, ce showcase de l’opéra est un moment qui sort de l’ordinaire par tous ses aspects.

S’inscrivant tout à fait dans le renouvellement de l’opéra et brisant les codes classiques du concert, le spectacle offre une véritable entrée au cœur de l’intrigue de l’opéra. Nous déplorons néanmoins que cette expérience ne puisse pas être partagée par un public plus diversifié qui ne peut pas nécessairement s’offrir une soirée à un tarif prestige.

Gabriele Slizyte

Crédits photographiques :  Denis Mareau

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