Un baroque d’aujourd’hui ?

par

Pygmalion de Jean-Philippe Rameau et L’Amour et Psyché de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville, dirigés par Emmanuelle Haïm et mis en scène par Robyn Orlin.  

Choisir Robyn Orlin comme metteure en scène, c’était espérer qu’une contemporanéité interpellante se conjugue avec des œuvres absolument typiques de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Le résultat escompté : un baroque d’aujourd’hui. 

Une attente d’abord plutôt déçue avec Pygmalion dont la lecture révèle vite une conformité à « l’air du temps ». On se souviendra que le sculpteur tombe éperdument amoureux de la statue qu’il a conçue, au détriment de sa relation avec son amie Céphise. Amour s’en mêle pour que tout finisse bien. Une bonne idée scénique est celle de la création de la statue par un empilement d’images arrêtées de corps, projeté sur une immense toile. Mais le reste est convenu, comme l’évocation du snobisme mondain d’une soirée de vernissage, ou faussement innovateur avec ce Pygmalion narcissique vite attiré par d’autres conquêtes possibles. D’autre part, la chorégraphie -que l’on attendait- ne se déploie guère, condamnant les protagonistes à quelques gestes ressassés. Il est vrai que cette œuvre, si belle dans sa partition -et à laquelle rendent justice solistes et orchestre- est difficile à mettre en scène. Sa seule action est : « la statue se met en mouvement ».

Heureusement, tout prend une autre allure (apparence et rythme) avec L’Amour et Psyché. La créativité ingénieuse et espiègle est alors au rendez-vous. Pour nous raconter les terribles machinations de la furie Tisiphone, aux ordres d’une Vénus jalouse de la passion qui unit Amour et Psyché, Robyn Orlin mobilise toutes les ressources de la scénographie d’aujourd’hui et l’art décalé de ses danseurs qui doublent chacun des personnages. Images tournées en direct incrustées sur grand écran, images découpées-multipliées, éclairages de tous types (même à la lampe de poche), vêtements extravagants, confusion des genres, choc de la rencontre d’une frêle chanteuse lyrique et d’un plus que majestueux danseur, du baroque de cour et de la danse de rue. Tout ce charivari est au service de l’œuvre, dans une perspective décalée et désacralisante. Cela surprend, cela fait sourire. 

Voilà pour les yeux. Mais les oreilles ? Elles se réjouissent. Emmanuelle Haïm et son Concert d’Astrée savent leur Rameau et leur Mondonville. Ils prouvent avec une belle pertinence aussi respectueuse qu’inventive que les notes ont leur rôle essentiel à jouer. Bonheur particulièrement du Mondonville. Quant aux jeunes solistes embarqués dans cette aventure (Reinoud Van Mechelen, Samantha Louis-Jean, Armelle Khourdoïan, Magali Léger et Victor Sicard), surjouant leurs rôles comme l’a souhaité Robyn Orlin, ils ont une juste présence vocale et se font entendre, magnifiquement. 

Crédits photographiques : Gilles Abegg / Opéra de Dijon

Stéphane Gilbart

Luxembourg, Grand Théâtre, le  27 février 2020

 

 

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