Début de la tournée européenne de Muti et du CSO à Bruxelles

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Ce jeudi 11 janvier 2024 a lieu le début de la tournée européenne du Chicago Symphony Orchestra sous la direction de Riccardo Muti. Il est nommé Directeur musical émérite à vie par l’orchestre en juin 2023 après son mandat ayant commencé en septembre 2010. Concernant la tournée, Bruxelles est la première des 11 villes où le CSO se rendra. Au programme de ce concert, la création européenne de la pièce The Triumph of the Octagon de Philip Glass, la Quatrième Symphonie dite « Italienne » en la majeur op.90 de Mendelssohn et la Cinquième Symphonie en si bémol majeur op.100 de Sergueï Prokofiev.

Pour débuter cette soirée, place à la création européenne de la pièce The Triumph of the Octagon de Philip Glass. Cette œuvre est une commande du Chicago Symphony Orchestra. Glass la dédie à Riccardo Muti « pour ses nombreux succès en tant que chef d’orchestre du CSO et de ses importantes contributions au monde de la musique ». Pour l’anecdote, Riccardo Muti et Philip Glass se sont rencontrés à Chicago en février 2022 dans le cadre de la création de la Onzième Symphonie de Glass par Muti et le CSO. Lors d’une répétition, Glass a remarqué la présence d’une photo d’un château et en discutant avec Muti, il s’avère que cette photo représente le Castel del Monte (Château de la Montagne), construction datant du 13ᵉ siècle. Muti a vu ce château pour la première fois lorsqu’il était enfant et a toujours été impressionné par cet édifice ressemblant à une couronne venue du ciel. Ce château est de forme octogonale avec huit tours elles-mêmes octogonales. Cette pièce s’ajoute à la liste restreinte de monuments architecturaux mis en musique. 

Venons-en à la musique en elle-même. Le début est délicat avec seulement les premiers pupitres des cordes. Les cordes jouent d’ailleurs le rôle principal dans cette pièce, le pupitre des vents étant fortement réduit. Au fur et à mesure que la pièce avance, il y a de plus en plus d’instrumentistes. La musique s’intensifie progressivement aussi bien au niveau de la nuance que du rythme. La musique est assez imagée. On dirait qu’au début de l’œuvre, nous voyons le château de loin et plus la musique s’intensifie, plus on se rapproche de ce mastodonte du 13ᵉ siècle.

La première partie continue avec la Quatrième Symphonie, dite « Italienne », en la majeur op.90 de Félix Mendelssohn. Cette pièce est considérée comme l’une des plus belles que le compositeur allemand ait composées. Muti et le Chicago Symphony Orchestra nous livrent une interprétation de grande qualité. Le chef italien dirige la musique, il assure avec des gestes précis tout en pointant les éléments importants et ces derniers, les musiciens les font ressortir avec brio. L’effectif des cordes est réduit par rapport à la pièce de Glass, donnant un sentiment plus intimiste. Chacune des sections de cordes joue parfaitement ensemble. D’ailleurs, la cohésion de l’orchestre est admirable. La palette de nuances est assez large, surtout dans les plus petites nuances, à l’instar de certains passages dans les cordes ou encore différents solos du clarinettiste Stephen Williamson, qui excelle tout au long de ce concert. Le caractère diffère lors de chaque mouvement. Le premier mouvement est joyeux, le second est plus pensif, le troisième est plus lyrique. Le dernier mouvement, bien qu’il soit en mineur, chose assez inhabituelle, est d’une énergie folle avec une certaine impétuosité. Le public est complètement conquis par la prestation de cette symphonie. D’ailleurs, une partie de l’audience ne peut s’empêcher d’applaudir et de montrer sa joie entre chacun des mouvements, au grand dam du reste du public qui préfère attendre la fin de l’œuvre pour acclamer les artistes.

Après l’entracte, place à la Cinquième Symphonie en si bémol majeur op. 100 de Sergueï Prokofiev. Composée en 1944 (soit plus de 14 ans après sa Quatrième Symphonie), cette symphonie aux allures patriotiques est la plus vaste que Prokofiev ait écrite et peut être considérée comme la plus grandiose de ses sept symphonies. C’est dans cette œuvre que l’orchestre déploie pleinement son envergure. Le premier mouvement commence avec une sérénité certaine dans l’énoncé du premier thème. Le second thème est quant à lui bien plus vif et animé. Le développement est interprété dans la même lignée que ce second thème. La coda termine en faisant trembler la salle par l’intensité sonore que l’orchestre produit. Une fois de plus, une partie du public ébahi par le début de cette œuvre commence à applaudir avant que le chef ne fasse taire d’un mouvement de la main les applaudissements. D’ailleurs la suite de la symphonie n’est plus interrompue par les applaudissements. Le deuxième mouvement est un scherzo. Le CSO et Muti proposent une version assez sarcastique, ironique, ce qui colle parfaitement à la musique que Prokofiev a écrite. Dans le troisième mouvement, la nostalgie et la sérénité reprennent le pas sur l’énergie frénétique du mouvement précédent. Le quatrième mouvement débute avec une introduction lancinante des violoncelles. Après quelques moments plus calmes, un dernier crescendo nous secoue et sonne le glas de cette symphonie magistrale. La conjugaison de la cohésion des cordes, des individualités brillantes dans les bois, de la puissance des cuivres et des percussions, le tout sous la direction inspirée de Riccardo Muti donne une interprétation formidable de cette symphonie. Le public acclame la prestation dès les dernières notes.

Bien que la salle fût acquise à Muti et à son orchestre de Chicago avant même que les premières notes du concert résonnent, ces derniers ont livré une prestation magistrale. Après de longues minutes d’applaudissements et de vivats, Riccardo Muti prend la parole pour remercier le public et annonce le nom du bis qu’ils vont interpréter. En cette année 2024, nous commémorons le centenaire de la mort de Puccini, quelle autre pièce que l’Intermezzo de l’acte III de Manon Lescaut pour terminer ce concert sur une note céleste. Mention spéciale pour les solos de John Sharp au violoncelle et Teng Li à l’alto.

Bruxelles, Bozar, le 11 janvier 2024

Thimothée Grandjean, Reporter de l’Imep

Crédits photographiques : todd Rosenberg

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