Délicieux récital de raretés galantes sur quatre claviers en solo et duo
Miscellanea. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sonate en ré majeur Kv. 448. Thomas Arne (1710-1778) : Sonate no 2 des Eight Sonatas or Lessons. Siegfried Schmiedt (c1756-1799) : Fantaisie en la mineur ; Sonate no 4 en fa majeur des Sechs kleine und leichte Sonaten. Johann Wilhelm Hässler (1747-1822) : Sonate no 4 en ut mineur des Sechs leichte Sonaten. Georg Simon Löhlein (1725-1781) : Sonate no 2 en ré mineur des Sei Sonate con Variate Repetizioni Op. 2. Johann Christoph Kellner (1736-1803) : Fugue no 2 en ré mineur des Zwei Fügen mit vier Händen. George Berg (c1730-c1770) : Voluntary XX en sol majeur. Johann Friedrich Reichardt (1752-1814) : Fantasie für den Flügel en ut majeur. Georg Christoph Wagenseil (1715-1777) : Das Glockengeläut zu Rom in dem Vatikan en ut mineur. Johann Ludwig Stanzen (fl. XVIIIe s.) : Sonate en ut majeur Op. 2. Hugo Franz Reichsfreiherr von Kerpen (1749-1802) : Une Sonate à quatre mains en fa majeur Op. 4. Christian Friedrich Gottlieb Schwenke (1767-1822) : Sonate no 1 en si bémol majeur des Drey Sonaten. Goffredo Weber (1779-1839) : Sonata per gravicembalo en ut majeur Op. 15. / + en téléchargement : Carolus Antonius Fodor (1768-1846) ; Johann Gottfried Pratsch (c1750-c1818) ; Leopold Kozeluch (1747-1818) ; Johann Gottfried Wilhelm Palschau (1741-1815) ; Hinrich Conrad Kreising (c1700-1771) ; Christian Gottlob Saupe (1763-1819). Artem Belogurov, Menno van Delft, clavicorde, pianoforte, clavecin, orgue. Septembre 2019. Livret en anglais. TT 62’58 + 73’18 + téléchargement. TRPTK TTK 0047
Christopher Hogwood (1941-2014) n’était pas seulement un collectionneur de vaisselle, d’argenterie et de livres de cuisine, un expert de l’orange marmalade faite maison pour laquelle il fut primé. Pour les mélomanes, il devint aussi et surtout une cheville ouvrière du catalogue L’Oiseau-Lyre, avec plus de deux-cents disques depuis le vinyle DSLO503 consacré en 1974 aux Overtures de Thomas Arne (1710-1778). Il accumula durant sa carrière les instruments à clavier ainsi que le répertoire afférent : de rares partitions recopiées dans les archives et bibliothèques. Après sa disparition, son assistant contacta Menno van Delft pour lui confier une partie de ce fonds musical en déshérence. Douze boîtes s’acheminèrent ainsi vers Amsterdam. Menno van Delft se pencha sur leur contenu, organisé selon l’ordre alphabétique, pour en extraire quelques pièces significatives. Il en était à la lettre B quand il reçut l’aide d’Artem Belogurov, alors étudiant au Conservatoire de la capitale néerlandaise, lequel explora ces caisses, méthodiquement et extensivement. Naquit le projet d’en enregistrer une anthologie. La voici !
Hormis la Sonate de Mozart, l’auditeur n’aura pas à rougir de méconnaître les noms des compositeurs qui alimentent ce récital : la plupart sont d’illustres inconnus, à classer au mieux dans la catégorie « petits maîtres » ou « talentueux artisans ». Heureusement, le livret de Dalyn Cook, diplômé du Conservatoire de La Haye, vient nous éclairer sur leur biographie au travers de quelques notices individuelles résumant ce que l’on sait d’eux. Quatre instruments sont de la partie : un clavicorde J.P. Kraemer (1803) qui appartient à Menno van Delft, un pianoforte J. Zahler (c1805) prêté par Gijs Wilderom. Ainsi que deux autres instruments conservés au Kasteel Amerongen où se déroulèrent les sessions. Un clavecin J. Kirkman (1766) à deux claviers, doté d’un mécanisme expressif pour moduler les dynamiques (voir : http://www.squarepianotech.com/wp-content/uploads/2012/01/Nags-head-swell.pdf), dont on entend les craquements de manœuvre sur certaines pages. Et enfin un orgue de cabinet de huit jeux commandé en 1780 au facteur d’Utrecht G.T. Bätz par le propriétaire du château, qui mourut avant sa livraison, différée à 1813.
En solo, à quatre mains sur clavecin, pianoforte, clavicorde, et même en « vis-à-vis » reconstitué au clavecin-pianoforte (un tel hybride exista mais fort peu survivent, voir par exemple Andreas Staier & Christine Schornsheim sur le spécimen d’Andreas Stein chez Harmonia Mundi) : le duo fait revivre ces œuvres avec un plaisir contagieux. L’un vient de Lettonie, l’autre des Pays-Bas, une génération les sépare ; un art consommé et une épatante virtuosité les réunissent. Au sein d’une production d’intérêt variable, et malgré maints moments charmants (on ne manquera pas la Sonate de Schwenke) voire intrigants (le Glockengeläut de Wagenseil), on ne criera pas au génie à chaque page. Mais d’évidence les interprètes transcendent chaque étape de leur parcours ou du moins en tirent le meilleur. La captation audiophile s’avère d’une transparence, d’une finesse, d’un réalisme exceptionnels, au point de laisser croire que les musiciens jouent dans votre salon. L’album est dédié à Christopher Hogwood et à son « vif esprit de curiosité » : on imagine combien un tel esthète aurait goûté le résultat. Des corbeilles de joies simples, qu’on dirait non pas exhumées de poussiéreuses archives mais tout frais cueillies au jardin, à déguster en gourmet.
Son : 10 – Livret : 10 – Répertoire : 6-10 – Interprétation : 10
Christophe Steyne