Deux compositeurs de la grande tradition allemande : Rheinberger et Scholz
Joseph RHEINBERGER (1839-1901) : Concerto pour piano et orchestre en la bémol majeur, op. 94. Bernhard SCHOLZ (1835-1916) : Concerto pour piano et orchestre en si majeur, op. 57 - Capriccio pour piano et orchestre en la mineur, op. 35. Simon Callaghan, piano. BBC Scottish Symphony Orchestra, Ben Gernon, direction. 2018- DDD-71'16"-Textes de présentation en anglais, français et allemand - Hyperion CDA68225
Les sources de la série Hyperion sur les concertos pour piano romantiques ne tarissent pas ; elle nous fait découvrir des compositeurs pratiquement ignorés des programmes de concert comme Felix Drayseke, Alexander Dreyschock, Salomon Jadasson, Alexander Goedicke, Henry Holden Huss, Theodor Kullak, Joseph Marx, Ernest Schelling, Zygmund Stojowski, ... et j'en passe. Elle en est aujourd'hui à son 76e volume et, si Joseph Rheinberger a conservé une certaine aura, Bernhard Scholz, au contraire, est passé par la trappe de l'histoire. Il fut pourtant un des membres importants du cercle musical de Clara Schumann, Joseph Joachim et Johannes Brahms. Joseph Rheinberger, qui sera kapellmeister de la cour de Louis II de Bavière, a, quant à lui, conservé sa réputation d'organiste -on lui doit deux importants concertos pour orgue et de multiples compositions pour l'instrument. C'est le chaînon manquant entre Mendelssohn et Reger. Il nous laisse une musique austère qui voudrait faire la synthèse impossible entre Beethoven, Schubert, Mendelssohn et le Bach contrapuntique.
Les partitions des trois oeuvres enregistrées ici fourmillent de gammes, de tierces, d'octaves, d'arpèges, de doubles croches, de traits virtuoses toujours très spectaculaires mais qui masquent les carences des développements thématiques. Quoiqu'il en soit, on se trouve face à des partitions robustes qui démontrent le savoir-faire de leurs auteurs. C'est ainsi que le concerto de Scholz était un des chevaux de bataille de Clara Schumann qui l'avait créé en 1875.
Le concerto et le capriccio de Scholz sont mentionnés comme First Recordings. Le concerto de Rheinberger figurait déjà dans l'ancienne anthologie Vox, moins complète, des Romantic Piano Concertos sous les doigts de Michaël Ponti en 1978. Au début de sa quarantaine, le pianiste américain (mais né en Allemagne) s'était fait une spécialité des concertos des Thalberg, Moscheles, Hiller, Reinecke et autres Kalkbrenner. Simon Callaghan est encore plus jeune avec ses 29 ans. La jeunesse se penche donc sur ces pages techniquement difficiles et aujourd'hui effacées de l'évolution musicale. Callaghan a toutes les ressources pour aborder ce répertoire avec facilité et brio sans négliger la délicatesse des passages lyriques. Comme son prédécesseur Michaël Ponti, il se crée ainsi une niche inexploitée avec ces partitions inhabituelles. Le BBC Scottish Symphony Orchestra est mené rondement, en vrai comparse de cet excellent Callaghan, par le tout aussi jeune Ben Gernon.
On ne peut que saluer la prouesse des interprètes qui attirent notre attention sur ces concertos méconnus et c'est à ce moment que l'on se rend compte des influences qui ont façonné ces artistes oubliés ; je n'ai pu m'empêcher de réécouter le concerto de Clara Schumann ainsi que les deux de la maturité de Mendelssohn. C'est rafraîchissant après ces 70 minutes de Rheinberger/Scholz !
A réserver donc en priorité aux collectionneurs de la série et aux amateurs de découvertes insolites.
Jean-Marie André
Son : 9 – Livret : 10 – Répertoire : 7 – Interprétation : 10