Deuxième volet des paysages orchestraux de l’Américain Kenneth Fuchs

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Kenneth Fuchs (°1956) : Œuvres orchestrales, volume 2 : Light Year, suite pour orchestre ; Eventide, concerto pour saxophone alto, percussion, harpe, célesta et cordes ; Bass Trombone Concerto ; Point of Tranquility, idylle pour vents, cuivres, cordes et percussion. Timothy McAllister, saxophone alto ; James Buckle, trombone basse ; Sinfonia of London, direction John Wilson. 2022/23/24. Notice en anglais, en allemand et en français. 72’ 50’’. SACD Chandos CHSA5326.

En conclusion de sa présentation du premier volume Chandos consacré aux pages orchestrales de Kenneth Fuchs, Crescendo-Magazine avouait attendre la suite avec impatience. Voilà chose faite, avec un deuxième album réjouissant ! On connaissait avant cela cinq parutions chez Naxos de pages dirigées par JoAnn Falletta à la tête du London Symphony Orchestra, l’une étant couronnée d’un Grammy Award. La production du créateur américain s’enrichit de quatre compositions récentes, en premier enregistrement mondial, servies par un Sinfonia of London qui brille de mille feux, sous la baguette inspirée de John Wilson, dont l’éclectisme a été souligné dans nos colonnes à plusieurs reprises. Kenneth Fuchs, qui a étudié la composition à la Juilliard School et à l’Université de Miami et enseigne la spécialité à l’Université du Connecticut, compte déjà son actif un catalogue imposant dans plusieurs domaines, celui de la musique orchestrale étant riche en poèmes symphoniques, suites et concertos (une dizaine).  Sa créativité s’attarde aux descriptions poétiques et aux images descriptives, dans un style accessible, qui s’inscrit dans la tradition américaine venue tout droit d’Aaron Copland, comme l’avait relevé Pierre-Jean Tribot. Le programme de ce nouvel album est un panorama de partitions écrites entre 2018 et 2024.

La suite Light Year (2022-24) a été composée pour saluer le travail de John Wilson et du Sinfonia of London. Comme dans Cloud Slant (2020-21), présent dans le volume précédent, Fuchs s’est inspiré de la production picturale de Helen Frankenthaler (1928-2011), une élève de Rufio Tamayo et de Meyer Schapiro, qui a fait partie du mouvement de l’expressionisme abstrait (une de ses toiles orne la pochette de l’album). Subjugué par son art depuis la découverte d’un documentaire en 1983, Fuchs l’a rencontrée et a constaté que son esprit créatif et le sien avaient des affinités, à tel point qu’il s’en est imprégné pour six œuvres de son catalogue. Light Year est la plus récente, elle se présente sous la forme d’une suite virtuose en six parties, qui tourne autour de l’observation des étoiles. Expérience à la fois contemplative, chatoyante, tourbillonnante, lumineuse ou nocturne, cette partition inspirée accumule des images qui relèvent de sensations pleines de fluidité, d’ondulations, de couleurs variées et de rythmes, parfois violents. L’orchestration est riche, avec une importante section de percussions nécessitant six instrumentistes. L’interprétation de John Wilson à la tête du Sinfonia est un modèle de narration lyrique.

Un autre peintre, Morris Louis (1912-1962), un spécialiste du mouvement newyorkais « Color Field painting » (peinture en champs de couleur), a inspiré la fantaisie Point of Tranquility (2021), placée enfin de programme. Fuchs s’est efforcé de trouver des équivalents aux badigeons de couleurs « vives » et à « l’impression de liberté structurelle du peintre », explique Guy Rickards dans sa notice. On entend ici la version orchestrale, adaptée à la demande de JoAnn Falletta, après celle de 2017 pour ensemble à vent. Le climat global, teinté de mystère, reflète bien le but recherché par Fuchs, à savoir la perception du regard du spectateur qui découvre la toile, et la mise en valeur du geste créatif du peintre. Ici aussi, l’interprétation est bigarrée et visionnaire.

Deux concertos complètent l’affiche. Eventide (2023) était, à l’origine en 2003, destiné au cor anglais, que Fuchs affectionne, et à un orchestre de percussions. La partition a été retravaillée récemment pour le saxophone virtuose de l’Américain Timothy Mc Allister (°1972) ; l’œuvre, au lyrisme prononcé, comporte des variations que l’on retrouve dans des spirituals, mais aussi une inspiration issue de vitraux frappés par la lumière d’un coucher de soleil. La prestation du soliste vedette est stimulante et mystérieuse à la fois. L’autre concerto est dévolu au trombone basse (2018) et a été créé en Hollande sous la direction de Christian Lindberg, chef d’orchestre suédois qui est lui-même tromboniste. En un seul mouvement d’un petit quart d’heure, il épouse l’agencement d’une sonate classique en quatre parties, traversées par des accents vibrants, marche et fanfares, le tout dans un contexte qui ne cesse de progresser de façon inéluctable. Au trombone basse, l’Anglais James Buckle (°1993) s’en donne à cœur joie pour faire vibrer une partition qui met en valeur les inflexions de son instrument, parfaitement en phase avec le Sinfonia of London et John Wilson, qui se révèlent, tout au long de ce parcours attrayant, des partenaires de haut niveau. 

Son : 9    Notice : 10    Répertoire : 9    Interprétation : 10

Jean Lacroix

Chronique réalisée sur la base de l’édition SACD

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