Du pur Prokofiev

par

Serge PROKOFIEV (1891-1953)
Symphonies n° 3 et n° 4
Netherlands Radio Philharmonic Orchestra, dir. : James GAFFIGAN
2015-DDD–57’ 40’’–Texte de présentation en anglais–Northstar Recording CC72584

Les années 1920 sont des années fastes dans la carrière de Serge Prokofiev, car c’est à cette époque qu’il a composé certaines de ses œuvres les plus marquantes et les plus personnelles : l’opéra L’Ange de feu, le ballet Le Fils prodigue, la suite symphonique Le Pas d’acier, la Sonate n° 5 pour piano, les Symphonies n° 2, 3 et 4… Ce qui caractérise d’abord la Symphonie n° 3 écrite en 1928, c’est qu’elle est basée sur des thèmes empruntés à L’Ange de feu, encore que Serge Prokofiev ait toujours prétendu que ces thèmes lui étaient venus dès 1919, donc avant le début de la composition de son célèbre opéra sur un le texte de Valéri Brioussov. Pour le musicologue soviétique Igor Nestiev, elle est « la plus intensément dramatique, la plus émotionnelle » de toutes (sept au total), Serge Prokofiev créant ici « un tableau effrayant, brutal, des souffrances et des passions humaines ». Par contraste, la Symphonie n° 4, datant de 1929-1930, est sans doute, et toujours selon Igor Nestiev, « la plus sereine et la plus intime », probablement parce qu’elle est le fruit d’une très alléchante commande de Serge Kousssevitski à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’Orchestre philharmonique de Boston (c’est pour cette même commémoration qu’Igor Stravinski a écrit, lui, sa Symphonie des psaumes, Albert Roussel sa Symphonie n° 4 et Paul Hindemith son Konzertmusik pour cuivres et cordes).
Quoi qu’il en soit, on est en présence ici de deux œuvres qui expriment à merveille l’univers sonore de l’auteur et l’étonnante richesse de sa palette orchestrale. Autant dire du pur Prokofiev, le Prokofiev à la fois sauvage et romantique, ténébreux et espiègle, tragique et presque dolent. La discographie des Symphonies n° 3 et n° 4 est déjà importante et contient de grandes réussites comme celles d’Eugène Ormandy, de Guennadi Rosdestvenski et de Walter Weller. Sans être exceptionnelle, la version qu’en donne James Gaffigan, à la tête du Netherlands Radio Philharmonic Orchestra, est digne d’éloges. À aucun moment, il ne force le trait, et Dieu sait s’il est tentant de le faire avec Serge Prokofiev, dont le style viril peut se prêter à des excès et à des facilités.
Jean-Baptiste Baronian

Son 8 – Livret 7 – Répertoire 9 – Interprétation 9

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