Du vent frais dans les Sonates et Partitas de Bach

par

0126_JOKERJohann Sebastian BACH (1685 - 1750)
Sonates et partitas pour violon seul BWV 1001 à 1006
Gil SHAHAM (violon)
2015-DDD-57'10 et 59'44-Textes de présentation en anglais-Canary Classics CC14 (2 cd)

Gil Shaham est l'un des très rares violonistes de notre époque dont la carrière, déjà longue et parfois semée d'éclipses, n'a fait que confirmer un talent exceptionnel et original. C'est dire si nous sommes à la fois heureux et curieux de le revoir au disque, et dans quel programme! Rien moins que ce fabuleux et intimidant Everest que constituent les Sonates et Partitas de Bach. Joie aussi à l'idée d'entendre ce  « Comtesse de Polignac », un Stradivarius exceptionnel de 1699, aux sonorités brillantissimes, fraîches et légères. Le violoniste américain met en exergue tout ce que ces oeuvres doivent à l'Italie; Vivaldi n'est jamais loin. La virtuosité est de mise et les traits semblent voleter et bondir sans la moindre lourdeur. Quant aux tempi, ils sont généralement très vifs, ce qui renforce l'italianità de ces opus. En artiste consommé, Shaham se garde bien de sur-accentuer, péché mignon de certains violonistes en mal d'authenticité. En un sens, on peut dire qu'il cherche et trouve le plus souvent un moyen terme entre cohérence musicologique et tradition interprétative. Homme charmant, Gil Shaham est aussi un musicien charmant; on a envie de dire que tout son jeu respire la bienveillance et l'élégante aristocratie d'un savoir-vivre, du « savoir-recevoir », celui de Carlo Maria Giulini qui, sur le porche de sa propriété, attendait que la voiture de son hôte d'un moment soit hors de sa vue pour rentrer en ses murs. Notre violoniste, lui aussi, nous invite avec style: accueil tout simple mais plein de discrète délicatesse, table décorée avec goût, mets fins et vins capiteux, dîner aux bougies. Et la conversation est à la fois vive et feutrée, spirituelle, jamais empreinte de lourdeur ou de platitudes. Même la Chaconne de la 2ème Partita ne se laisse jamais tenter par le tragique, le grandiose, le monumental. Non, elle est dite avec le même sourire et le même tact que tout le reste: l'homogénéité, la continuité, l'élégance, le charme, encore et toujours. En bref, une version à mettre entre toutes les mains et en particulier celles de ceux qui ont toujours redouté ces deux bonnes heures en tête à tête avec cet instrument si seul, qui oblige l'auditeur à accepter d'être happé par ses sonorités mises à nu, sans le moindre complice pour en atténuer les extrêmes, les aspérités, son intime proximité. Une merveille, à des années lumières de Martzy, Menuhin, Milstein, Szeryng, Grumiaux, Szigeti et pourtant tout aussi précieuse.
Bernard Postiau

Son 10 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation 10

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